Entretien exclusif avec Scott Stokdyk, superviseur principal des effets visuels du MONDE FANTASTIQUE D’OZ - Première partie
Article Cinéma du Lundi 11 Mars 2013

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Comme LE MONDE FANTASTIQUE D’OZ nous entraîne dans un pays enchanté, entamons cet entretien en parlant des effets que vous avez créés autour des pouvoirs magiques des sorcières, comme le mur chatoyant autour du château, du village et des terres de Glinda, son « brouillard impénétrable », ainsi que la tornade de feu et les boules de flammes créées par la méchante sorcière de l’Ouest…

Je crois que l’un des effets magiques les plus intéressants est celui du « brouillard impénétrable ». Il fallait concevoir cette manifestation des pouvoirs magiques de Glinda en restant cohérent avec le fait qu’elle est une gentille sorcière : il ne s’agit donc pas d’une arme, mais plutôt d’un moyen de défense inoffensif, une sorte de système de camouflage sophistiqué qu’elle peut modeler et déplacer à sa guise. Nous savions que nous allions devoir créer une simulation de brouillard différente d’un brouillard réaliste, afin de lui conférer une allure magique. Notre équipe a alors mis au point une simulation dynamique de fluide et l’a appliquée au brouillard, auquel nous avons donné une touche irisée, avec une palette de couleurs « arc-en-ciel », comme tout ce qui fait partie de l’univers de Glinda. En plus de ce brouillard magique spécifique, nous avons aussi ajouté une base diffuse de brouillard réaliste pour compléter l’effet. Contrairement aux formes diffuses et vaporeuses des nappes de brouillard réalistes, celle du brouillard magique sont plus fines et plus allongées, et nous les avons rendues aussi plus brillantes. Nous avions également la possibilité de « sculpter » le brouillard magique pour révéler certaines choses tout en en dissimulant d’autres. Cela a nécessité la mise au point d’animations spéciales, qui permettaient de faire « rouler » des nappes comme des vagues iridescentes aux formes très stylisées. Le « mur chatoyant » est en quelque sorte une version « en stéréo » de l’effet de fine pellicule que nous avons réalisé pour représenter les bulles dans lesquelles Glinda se déplace en volant. Il s’agit d’un mur iridescent doté d’une membrane de bulle qui le rend un peu élastique. A un moment du film, le mur chatoyant se brise en se dissolvant à la manière d’une bulle de savon que l’on voit exploser en hyper ralenti. Nous nous sommes servis de références de prises de vues réalisées à 2000 images/seconde pour animer cet effet. Et quel était la troisième chose dont vous vouliez parler ?

La tornade de feu et les boules de flammes lancées par la méchante sorcière de l’Ouest, avec les effets de fumée et d’explosions qui s’ensuivent…

Comme la thématique de l’une des sorcières tourne autour du feu, nous avons imaginé que tous les tours semi-magiques réalisés par l’illusionniste Oscar Diggs - joué par James Franco – devraient avoir une allure de trucages de music-hall faits en direct. Diggs est un magicien qui se produit dans des fêtes foraines, et s’il est principalement un manipulateur de cartes et un illusionniste qui utilise des accessoires truqués, nous avons pensé qu’il serait logique qu’il ait aussi quelques connaissances dans le domaine de la pyrotechnie, et qu’il sache utiliser des bombes de fumée, des fontaines d’étincelles, de la poudre flash et ce genre de choses quand cela peut lui permettre de se tirer d’un mauvais pas et de convaincre les habitants d’Oz qu’il a réellement des pouvoirs magiques. Cependant, quand il voyage dans les contrées d’Oz, il est confronté à des sorcières qui possèdent de vrais dons surnaturels. Pour bien différencier ce qu’elles sont capables de faire des petits tours truqués d’Oscar, nous avons considéré que le rendu de leurs pouvoirs magiques devait ressembler à ce que peuvent faire les meilleurs superviseurs d’effets spéciaux de plateau actuels en termes d’explosions, de projections de flammes, et de destructions, et que tout cela devait être encore un peu amplifié pour arriver au bon rendu ! Ainsi tout ce que font les sorcières est nettement plus ample et plus impressionnant que ce que fait Oscar avec ses petits accessoires. Leur version d’une boule de flammes est plus manoeuvrable, plus grande et plus lumineuse que celle qu’Oscar pourrait tenter de simuler de son côté. Comme tout cela est établi assez clairement, je crois que les spectateurs feront bien la différence entre la vraie magie des sorcières et la fausse magie de l’illusionniste de seconde catégorie qui est notre héros. Venons-en à l’aspect et à l’animation de la tornade de feu : quand elle surgit, elle entoure la méchante sorcière de l’Ouest juste après qu’elle ait atterri sous la forme d’un météore, dont l’impact a creusé un gros cratère dans le sol. Il fallait que ces flammes sortant du trou semblent réalistes et projettent des flammèches, des étincelles et aussi des distorsions optiques dues au réchauffement violent de l’air. Après avoir conçu notre première simulation, Sam Raimi nous a demandé que les flammes soient un peu plus rouges et que leurs formes soient plus sinueuses, afin de bien souligner la nature magique de ce feu. Nous sommes ainsi partis d’un feu 100% réaliste, puis nous lui avons ajouté 10% d’étrangeté pour obtenir l’effet surnaturel souhaité. Nous avons appliqué la même démarche à tous les effets entourant les pouvoirs des sorcières ailleurs dans le film.

Puisque nous parlons des pouvoirs de la méchante sorcière de l’Ouest, comment ses complices, les méchants babouins volants, ont-ils été animés ?

L’animation des babouins a été faite de deux manières : les quelques individus principaux que l’on voit à l’avant-plan ont été animés image par image en poses-clés, tandis que l’animation de tous ceux qui se trouvent au second plan a été confiée à Will Cunningham, notre expert maison du système Massive. Ce logiciel donne une intelligence artificielle basique à chaque babouin, qui peut ainsi « réagir » à ce qui l’entoure, et bouger en puisant dans une grande banque de cycles d’animation. Ces bouts de séquences sont reliés en temps réel pour former des animation continues de comportements qui semblent logiques et naturels. Parmi les programmes de base de Massive figure la simulation de nuées d’oiseaux, et Will s’est appuyé sur cette base en l’adaptant au physique particulier de nos babouins, qui sont massifs, musclés, et dotés de grandes ailes de chauve-souris. En raison de ce qui ce passe dans cette scène du film, c’est à dire la révélation de la manière dont certaines choses se sont déroulées – nous avons été obligés de décomposer la scène plan par plan, et nous n’avons presque pas eu d’interactions avec les acteurs de chair et d’os à gérer, ce qui fait que l’animation des babouins a été 100% virtuelle, sans que nous ayons besoin de nous appuyer sur des cascadeurs vêtus de bleu et suspendus à des câbles ou à ce genre de procédés. En fait, il y a un moment où les babouins ont une interaction avec un champ de fleurs de pavots, qui est lui-même recouvert d’un brouillard magique qui le dissimule. Il y a aussi des interactions entre le brouillard ensorcelé et les babouins, et aussi avec quelques personnes que les babouins attaquent dans le champ, mais toutes ces interactions ont été créées uniquement en 3D, sans avoir eu recours à des doublures physiques des babouins.

Avez-vous créé des doublures numériques de nombreux personnages ?

Oui, nous avons fabriqué et animé des clones 3D d’Oscar Diggs, Glinda, Theodora, Evanora et Knuck. Et aussi de nombreux clones des Munchkins, des Quadlings et des Winkies pour peupler les cités que l’on voit en plan très larges ou dans les «vues aériennes ». Dans ces cas-là, ces foules de plusieurs milliers de personnages sont animées avec le logiciel Massive.

La suite de cet entretien apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI !

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