Entretien exclusif avec Michael Fassbender, alias Magneto dans X-MEN LE COMMENCEMENT - Première partie
Article Cinéma du Mardi 04 Octobre 2011

A l'occasion de la sortie de X-Men Le commencement en Blu-ray et DVD le 19 octobre, découvrez notre nouvelle série d'entretiens!

Né en 1977 à Heidelberg en Allemagne, d’une mère allemande et d’un père irlandais, Michael Fassbender a suivi des cours d’art dramatique, mais a préféré s’orienter rapidement vers le cinéma, qu’il a toujours préféré au théâtre. Après être apparu dans diverses séries et téléfilms anglais, il s’est fait remarquer pour la première fois dans le péplum 300 (2006 – Zack Snyder), le thriller horrifique EDEN LAKE (2008 – James Watkins), et tout particulièrement dans INGLORIOUS BASTERDS (2009 - Quentin Tarantino).  C’est alors qu’il était plongé dans le tournage du très attendu PROMETHEUS qui marque le retour de Ridley Scott à la Science Fiction que nous avons parlé avec lui du rôle qui le fera connaître auprès d’un public bien plus large, celui de Eric Lensherr / Magneto…

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Aviez vous lu les bandes dessinées des X-Men avant de participer à ce film ?

Je les connaissais sans les avoir lues en détail, car je ne suis pas un fan de comics. Je n’ai pas lu beaucoup de bandes dessinées pendant mon enfance, à vrai dire. Quand on m’a confié ce rôle, j’ai commencé à lire ces aventures et à faire des recherches de mon côté, et j’ai trouvé cet univers fascinant, vraiment très prenant. Cela m’a donné beaucoup d’indications précieuses sur le passé de mon personnage, sur son caractère. Ce que je trouve particulièrement intéressant dans les BDs des X-Men, c’est le commentaire social que l’on peut y trouver. Il ne s’agit pas simplement de conflits de superhéros qui passent leur temps à s’affronter : on aborde énormément de sujets passionnants qui nous concernent tous. C’est souvent si pertinent et si intéressant que l’on se demande si le fantastique n’est pas une manière d’habiller ces histoires afin que ce commentaire sur la société contemporaine soit exprimé sans qu’on le remarque immédiatement !  X-MEN parle souvent des gens qui sont rejetés, des minorités, des gens que l’on considère comme « différents », et cette idée que la plupart des êtres humains ont peur de ce qui est atypique ou original est l’un des thèmes les plus intéressants de cette saga.

Avez-vous hésité un moment avant d’accepter le rôle de Magneto, en craignant peut-être que le grand public ne voie plus en vous que ce personnage célèbre par la suite ?

Non, pas vraiment, car je crois que mes choix de rôles passés et récents sont suffisamment variés pour que je ne sois pas trop marqué par ce personnage-là.  Je ne pense pas que cela pose un problème, compte tenu que j’essaierai de ne plus faire la même chose dans le futur. Jouer des rôles très différents dans des registres de films variés me permet de me lancer des défis personnels, de me tester, et d’éprouver toujours de la curiosité pour ce métier.

Qu’avez-vous trouvé particulièrement intéressant à propos de ce personnage et de la manière dont il est représenté dans ce premier épisode de la saga ?

Ce que j’aime à propos de Magneto, c’est qu’il a une longue histoire, et porte en lui beaucoup de souvenirs douloureux. J’ai eu l’opportunité de l’interpréter en donnant la réplique à des acteurs très doués, et cela m’a permis de créer un personnage complexe, très riche. On s’en rend compte dès les premières scènes de ce film : enfant, pendant la seconde guerre mondiale, Eric réussit à s’évader d’un camp de concentration allemand grâce à ses pouvoirs. Il grandit dans le maquis, et rencontre une jeune gitane dont il tombe amoureux et avec laquelle il a un enfant. Il essaie de mener une vie paisible, sans se faire remarquer, mais cela ne dure pas. Des gens superstitieux remarquent ses pouvoirs, le pourchassent avec sa famille, brûlent sa maison et tuent ainsi sa compagne et leur enfant. Pour Eric, c’est le moment où tous les liens avec les humains « normaux » sont définitivement rompus. A partir de ce jour, il ne peut plus faire confiance à un être non-mutant. Ensuite, il se fixe une mission, un objectif très précis auquel il se consacre corps et âme, et c’est à ce moment-là que nous le découvrons dans le film, ce qui est un point de départ très fort, à mon sens.

Le jeune Eric Lensherr est très différent du Magneto d’âge mûr que nous avons vu dans les films précédents…Comment décririez-vous ses rapports avec Xavier, et ses motivations ?

Comme je le disais à l’instant, Eric mène une quête personnelle quand nous le découvrons. Il veut se venger de ce qui lui est arrivé dans les camps de concentration. Il essaie de traquer et de tuer les anciens nazis. Quand il rencontre Charles Xavier, il y a tout de suite des liens très forts qui s’établissent entre ces deux hommes. C’est même une amitié et une confiance si forte que je crois que les spectateurs seront attristés de la voir brisée à la conclusion de cette aventure, parce que Charles et Eric n’arrivent pas à trouver un compromis satisfaisant. Mais dans les premiers temps, et ce, malgré leurs points de vue très différents sur le monde, Eric et Charles collaborent très bien. Ils se respectent et s’estiment. Ils ont des opinions très proches sur de nombreux sujets, mais ce sont leurs méthodes d’action qui sont très différentes.  

Avez-vous eu l’occasion de parler du personnage avec Ian McKellen ?

Non. Au début, je me demandais s’il fallait que j’étudie sa manière de jouer Magneto, sa gestuelle, ses attitudes, et ensuite, après en avoir parlé avec Matthew, il m’a dit qu’il ne pensait pas que ce serait une bonne approche. Il a préféré que nous partions de bases nouvelles, en nous référant surtout à la source que sont les bandes dessinées originales. Cela étant dit, j’avais toujours un peu l’interprétation de Ian McKellen en tête, flottant dans ma psyché, pendant que je jouais le rôle ! Mais mon approche du personnage a été essentiellement une nouvelle création.

Comment avez-vous travaillé avec Matthew Vaughn sur votre personnage et sur le fonctionnement de la relation entre Xavier et Magneto ? Quelles sont les idées que vous avez suggérées ?

Je n’ai rien suggéré de très spécifique, car notre base de travail était le script, et James, Matthew et moi-même avons beaucoup travaillé ensemble pour nous assurer que nous allions tirer le meilleur parti de toutes les scènes, et des moindres petits moments du scénario. Nous voulions rendre passionnante cette rencontre entre ces deux hommes, la naissance de leur amitié, puis leur rupture quand ils constatent que leurs chemins ne peuvent que se séparer. Nous avons beaucoup travaillé pour que les séquences qui montrent comment Charles et Eric deviennent amis sonnent juste, et ne semblent pas avoir été placées là juste pour contraster avec leur conflit ultérieur. Il a fallu structurer tout cela en tenant compte de la méfiance terrible d’Eric, car il ne fait normalement confiance à personne. Charles est la seule exception. Mais comme on le sait, Charles n’est pas non plus un être parfait : il a des problèmes d’ego, et a tendance à se placer immédiatement en position de leader et de sauveur des mutants. Mais c’est un homme très généreux, qui prend le risque d’accorder sa confiance. Cala constitue donc une situation de départ très intéressante pour une rencontre : un homme méfiant et blessé par la vie, et un homme généreux, qui s’ouvre aux autres mutants et les considère comme des frères. C’est sur cette base qu’un respect mutuel naît entre ces deux hommes.

Pouvez-vous évoquer la manière dont Bryan Singer et Lauren Shuler Donner vous ont parlé de la saga X-MEN et du personnage de Magneto ? Considéraient-ils X-MEN LE COMMENCEMENT comme un « reboot » complet ou comme une préquelle aux précédents films de la série ?

Je pense qu’ils la considèraient comme une préquelle, étant donné que la première trilogie était également basée sur les aventures de ces personnages dans les bandes dessinées originales. Il y a de fait des connexions naturelles entre les deux trilogies. On ne peut pas oublier ce qu’un personnage devient plus tard, quant on le voit plus jeune au cours de ces premières aventures. Mais d’après ce que j’en sais, je pense cependant que ce film sera très différent dans son traitement des trois épisodes précédents de la saga, aussi bien dans son traitement visuel que dans l’approche des relations entre les personnages. Bryan Singer était particulièrement intéressé par l’opportunité de situer cet épisode en 1962,  pendant la période de la lutte pour les droits civils de la population noire aux Etats-Unis.  C’était passionnant de resituer les X-Men dans cette époque au cours de laquelle ils ont été créés. Dans ce contexte historique et social, on suggère que Charles et Eric pourraient être les Martin Luther King et Malcolm X de la cause des mutants. C’est un des points auxquels Bryan était très attaché quand il s’est exprimé au cours de nos premières réunions de production.

Justement,  quand Stan Lee a créé les X-Men, il a directement basé le personnage pacifique de Charles Xavier sur celui du révérend Martin Luther King et celui de Magneto sur le leader révolutionnaire Malcolm X, qui prônait la rébellion et la lutte armée contre le pouvoir en place. Est-ce que la vraie vie ou le comportement de Malcolm X vous a inspiré ou vous a aidé à injecter plus de véracité dans votre interprétation de Magneto ?

Peut-être dans la manière de montrer comment Eric se laisse griser par l’ascendant qu’il a sur les autres mutants et devient mégalomane vers la fin du film… Je ne suis pas en train de dire que c’est ce qu’à fait Malcolm X, mais il y avait dans son attitude une telle rigidité, un tel refus de toute forme d’ouverture, de tout compromis, que cela ne pouvait que mener à la tragédie. Disons que le point commun principal entre Malcolm X et Magneto, c’est qu’ils sont tous deux convaincus qu’ils ont une destinée à assumer, qu’ils sont des « élus ». Mais je dirais que j’ai été plus inspiré par les personnages de Machiavel, qui tissent lentement et intelligemment la trame de leurs plans, dans le plus grand secret. Pour Eric, la fin justifie pleinement les moyens ! Il faut faire des sacrifices. Et même sacrifier des gens. Mais comme il ne voit que le résultat, il est déterminé à faire tout ce qu’il faudra pour atteindre son but. C’est ainsi que je l’ai interprété.

Comment décririez-vous l’état d’esprit d’Eric au début du film, et ses rapports avec les différents membres de l’équipe de Xavier ?

En fait l’équipe de Xavier n’en est pas encore une quand nous découvrons les différents protagonistes de l’histoire, au début du film. Ils ignorent qu’il y a d’autres mutants dans le monde. Tous ces gens qui ont ces dons extraordinaires n’en parlent à personne et ne les montrent pas. Cela reste caché. Ils n’imaginent même pas que d’autres puissent posséder des pouvoirs différents des leurs, et partagent de ce fait leur condition de mutant. Le début de l’histoire, c’est la découverte de cette nouvelle « race » pour ainsi dire.

Les rapports d’Eric avec les différents individus mutants qu’il rencontre sont assez tendus…

Dans un premier temps, cette découverte est pour lui un encouragement et un soulagement énorme. Il commence à se rendre compte qu’il pourrait former sa propre armée. Son point de vue, c’est que la race humaine est un obstacle sur le chemin de l’évolution, dont les mutants représentent la prochaine étape. Magneto considère que les Homo Sapiens sont une espèce en voie de disparition, comme les Néanderthaliens des âges préhistoriques. Il pense que pour cette raison, nous sommes inférieurs, et que cette peur de disparaître prochainement nous pousse à persécuter les mutants pour les détruire, voire les éliminer complètement. Il fonde sa démarche sur la certitude que cette évolution est inévitable, et que de toutes manières, les humains non-mutants sont voués à disparaître.

La relation de Magneto avec Sebastian Shaw est vraiment particulière…

Sebastian Shaw est à la fois celui qui a révélé à Eric ses propres pouvoirs, et aussi un homme qui l’a poussé à faire des choses terribles. Shaw représente une partie essentielle de sa vie. Quand nous le découvrons, Eric tente de retrouver Shaw, et il est entièrement focalisé sur cet objectif. Pendant cette quête, il se produit un événement à plus large échelle qui l’amène à modifier ses plans. Mais il est toujours déterminé à le localiser et à se venger.

Avez-vous du vous préparer physiquement pour tourner certaines scènes du film dans lesquelles vous utilisez vos pouvoirs ?

Vous voulez dire m’entraîner à tordre ma cuillère par la force de ma pensée  le matin, en prenant mon petit déjeuner ?

 (rires) Magneto se comportant comme un chasseur au début de l’histoire, je me demandais s’il se comportait de manière plus « physique », s’il était impliqué dans des combats, d’où ma question !

Je sais, je vous taquinais ! (rires) Je me suis effectivement entraîné un peu pour être en bonne forme physique, mais cela n’avait rien de comparable avec ce que j’ai pu faire en me préparant pour tourner 300, par exemple. Quand il se bat, Magneto utilise surtout ses pouvoirs. Il n’a pas d’aptitude physique particulière pour se battre avec ses poings. Depuis son enfance, il se défend avec son intelligence et sa capacité d’agir sur le métal pour se sortir des situations les plus critiques. Mais je voulais toutefois lui donner une certaine présence physique qui impliquait qu’il soit dynamique. De plus, nous avons eu à faire quelques cascades, et dans ces cas-là, il vaut mieux être en forme et bien préparé physiquement pour éviter de se faire mal.

Comment avez-vous réagi quand vous avez porté pour la première fois le costume complet de Magneto, avec le fameux casque ? Est-ce que c’était un moment particulier ?

Oui, parce que l’on se sent forcément un peu ridicule au départ ! (rires) Ce n’est pas évident de se retrouver avec un casque comme celui-là sur la tête…Mais au bout d’un moment, il faut accepter le fait que l’on tourne un film de superhéros, et considérer cette tenue comme un accessoire essentiel, très important pour les fans et les spectateurs. Il a fallu que je laisse l’enfant en moi prendre le dessus, et que je joue la situation avec une sincérité totale, à 100%, pour que cela marche. Et je crois que cela s’est bien passé. Si vous ne croyez pas à 100% à ce que vous faites dans ces cas-là, le public sent que vous hésitez, que vous n’êtes pas totalement à l’aise et ça ne fonctionne pas.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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