Preview Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne - Peter Jackson et Steven Spielberg s'apprêtent à offrir une nouvelle dimension à la création d'Hergé
Article Cinéma du Jeudi 13 Octobre 2011

[Retrouvez également notre critique du film]


Projet cher à Steven Spielberg depuis près de trente ans, ce long-métrage d'animation attendu de pied ferme par des millions de fan du petit reporter s'apprête à sortir sur nos écrans. Tourné en 3D, Le Secret de la Licorne bénéficiera des derniers progrès technologiques, le réalisateur des Indiana Jones s'étant associé à Peter Jackson et à la talentueuse société d'effets visuels Weta Digital. Servie par un tournage en capture de performance et un casting quatre étoiles, cette première aventure de Tintin risque de ne pas laisser les spectateurs indifférents...

Par Pierre-Eric Salard



Tintin a vu le jour il y a 81 ans, en 1929, dans les pages du Petit Vingtième - un supplément hebdomadaire du journal belge Le Vingtième Siècle consacré à la bande dessinée. Son rédacteur en chef ne nous est pas inconnu : il s'agit de l'auteur et dessinateur belge Georges Remi, alias Hergé. En réalité, nous pouvons retrouver les origines de Tintin trois années plus tôt. Un jeune Hergé, alors âgé de 19 ans, publie - depuis déjà cinq ans ! - des planches de gag dans la revue Le Boy-scout Belge. En juillet 1926, la double page centrale présente Les Extraordinaires Aventures de Totor, C. P. des Hannetons. Dessiné et imaginé par Hergé, Totor est un chef scout très débrouillard, au design imparfait. Ce personnage ne fera pas long feu, et Georges Remi se verra offrir en 1928 la responsabilité du Petit Vingtième. À la fin de cette même année, l'auteur s'inspire de Totor pour créer Tintin. Au-delà de la proximité entre les noms des deux protagonistes, leurs traits physiques semblent être bâtis sur le même moule. Mais Tintin, lui, possède un véritable métier. Or la vie d'un reporter est propice à davantage d'aventures que celle d'un chef scout ! Enfin, on lui adjoint un compagnon sous la forme d'un petit fox-terrier, Milou. Bref, l'univers de Tintin possède des caractéristiques propres à lui assurer un avenir bien plus prometteur que celui de son ancêtre. Georges Remi livre deux planches par semaine, et s'il ne sait originellement pas où l'intrigue le mènera, son trait s'affine au cours de l'année. Ces 138 planches en noir et blanc seront ensuite rassemblées dans le premier album des aventures du petit reporter, Tintin aux pays des Soviets. L'auteur poursuivra son œuvre jusqu'en 1976 et la sortie de Tintin et les Picaros, offrant à ses innombrables lecteurs 24 albums qui se vendront à plus de 200 millions d'exemplaires à travers le monde. La «ligne claire» inventée par Hergé, les personnages truculents et les récits empruntant autant aux enquêtes policières qu'au fantastique sont autant d'élément qui définissent le style Tintin. Ce phénomène culturel et populaire devait tôt ou tard atteindre les écrans, petits et grands. On se souvient notamment des deux séries animées. La première, diffusée en 1961 et produite par Belvision, était constituée de 104 segments de cinq minutes et adaptait les plus connus des albums des aventures de Tintin. La seconde avait été produite en 1992 par Ellipse et Nelvana en collaboration avec le Fondation Hergé. Ce n'est donc pas un hasard si ce dessin animé en 39 épisodes de 26 minutes respecte scrupuleusement la narration et le dessin de l'oeuvre de Georges Remi.



Aventures dans le Septième Art

Mais il faut remonter aux années 1940 pour retrouver les premières adaptations de Tintin au cinéma. En 1947, l'album Le Crabes aux pinces d'or eut le privilège d'inaugurer cette liste. Il fut créé à l'aide de marionnettes animées image par image. Mais ce film ne fut projeté qu'une unique fois, à Bruxelles. Notons que les fans peuvent désormais le découvrir en dvd.



Au cours de l'année suivante, Hergé approcha les studios Disney, mais aucune collaboration ne vit malheureusement le jour. La faute aux piètres ventes des albums aux Etats-Unis ? En effet, ce pays est l'un des seuls où la franchise n'a jamais réellement percé ; elle ne ferait visiblement pas le poids face aux super-héros des comics américains... Au début des années 1960, le producteur André Barret proposa à plusieurs réalisateurs, dont Alain Resnais et Philippe de Broca, de tourner Tintin et le mystère de la Toison d'or en prises de vues réelles. C'est finalement Jean-Jacques Vierne qui mit en scène ce film, tiré d'un scénario original, dont la sortie, en 1961, fut couronnée de succès. Tintin et le Capitaine Haddock y sont menacés par une organisation turque cherchant à s'emparer d'un navire, La Toison d'or..



Jean-Pierre Talbot incarne alors le reporter, un rôle qu'il reprendra en 1964 pour Tintin et les oranges bleues. Ce film ne s'inspire pas, lui non plus, d'un album existant. Tintin et le Capitaine Haddock y partent à la recherche du professeur Tournesol, mystérieusement enlevé. Mais ce second volet ne rencontra pas son public, enterrant l'idée de développer une saga cinématographique.



Deux films d'animation virent ensuite le jour. En 1969, le studio Belvision, fort de son expérience sur la première série animée, produisit une adaptation de Tintin et le Temple du Soleil, pour laquelle un certain Jacques Brel composa quelques chansons.



En 1972, des criminels tentent de s'emparer d'une invention du professeur Tournesol dans Tintin et le lac aux requins, basé sur un scénario original.



Par la suite, Tintin fut boudé par le Septième Art... et le sera encore jusqu'à la fin de l'année prochaine. Il faut pourtant remonter aux années 1980 - et à la sortie des Aventuriers de l'Arche Perdue - pour retrouver les origines de cette prochaine adaptation cinématographique... Soit trente années pendant lesquelles un jeune cinéaste américain a rêvé d'offrir au monde sa version des rocambolesques aventures de Tintin !

Revers du destin

S'il en a déjà entendu parler lors de ses jeunes années, Steven Spielberg découvre réellement Tintin en 1981, alors qu'il participe à la promotion du premier Indiana Jones. De nombreux journalistes n'hésitant pas à comparer les pérégrinations de l'archéologue à celles de Tintin,le réalisateur demande à son assistante de faire des recherches sur le personnage créé par Hergé. Il se procure rapidement l'intégralité des albums... en français ! S'il ne peut pas lire les dialogues, il comprend parfaitement les récits et tombe immédiatement amoureux des dessins. «Hergé est un formidable raconteur d'histoires», déclare Steven Spielberg. «Je me retrouve en lui, et j'ai bien l'intention de respecter scrupuleusement son œuvre». Georges Remi entend alors parler de l'intérêt du jeune metteur en scène, dont il apprécie les premiers films. Déçu par les précédentes adaptations cinématographique de ses albums, dans les années 1960, il aurait même déclaré que Steven Spielberg serait le seul cinéaste capable de rendre justice à Tintin ! En 1983, à l'occasion du tournage d'Indiana Jones et le Temple Maudit en Angleterre, Spielberg et sa productrice Kathleen Kennedy profitent de leur séjour en Europe pour prendre rendez-vous avec l'auteur belge. Par un triste revers du destin, Hergé décède peu de temps avant la rencontre. Dès l'année suivante, la veuve de ce dernier accepte pourtant de céder pour trois ans les droits d'adaptation de Tintin, respectant les souhaits de son défunt époux. La scénariste Melissa Mathison (E.T.) est alors chargée d'écrire un premier script, pour une production placée sous l'égide des studios Universal. Steven Spielberg imagine déjà un «Indiana Jones pour les enfants», et parle même d'offrir le truculent rôle du Capitaine Haddock à Jack Nicholson. Mais le scénario, au cours duquel Tintin lutte contre des chasseurs d'ivoire en Afrique, est rapidement rejeté par le réalisateur. Ce dernier se focalisa sur d'autres projets ; on se souvient qu'il produisit de nombreuses pépites dans les années 1980 (Gremlins, Les Goonies, Retour vers le futur...). Le temps passa et les droits expirèrent en 1987. Par la suite, Jean-Jacques Beineix et Roman Polanski se déclarèrent intéressés. L'auteur de Rosemary's Baby avait toujours voulu, lui aussi, réaliser une adaptation de Tintin, et en particulier de l'album Le Sceptre d'Ottokar. Ce projet ne vit jamais le jour, et ce fut au tour de Claude Berry d'annoncer son désir de produire sa version du Temple du soleil. Si ce film devait être tourné par Alain Berberian (La Cité de la Peur), il fut tué dans l'œuf par des ennuis de casting. L'idée d'adapter Les Aventures de Tintin au cinéma retomba ainsi dans l'oubli...

Une fructueuse collaboration

Bien plus tard, en 2001, Steven Spielberg révèle qu'il souhaite à nouveau adapter Tintin... à l'aide des images de synthèse ! Dès l'année suivante, son studio, DreamWorks, récupère les droits d'adaptation de l'intégralité de l'oeuvre d'Hergé. Mais pour le cinéaste, le temps n'est pas encore venu : il attend que les technologies numériques aient atteint leur maturité. Puis il découvre, au milieu des années 2000, que sa passion est partagée par un autre cinéaste, Peter Jackson, qui possède le studio d'effets visuels Weta Digital. Or entre-temps, Steven Spielberg a changé d'avis : il souhaite finalement tourner Tintin en prises de vues réelles, et demande à son ami si Milou pouvait être conçu en images de synthèse photoréalistes. En grand fan de la bande dessinée, Peter Jackson lui affirme qu'un tournage traditionnel ne rendra pas honneur à l'univers de Hergé. Il lui suggère plutôt d'utiliser la capture de mouvement, un procédé qui est à l'origine de la qualité de l'animation du Gollum du Seigneur des Anneaux et de King Kong.



Une bande-démo à l'animation photoréaliste, dont la durée avoisine la vingtaine de minutes, est ainsi élaborée en 2006. Steven Spielberg est enthousiasmé par le résultat. Un autre de ses illustres amis, Robert Zemeckis, lui a parallèlement prouvé, grâce au Pôle Express (2004) et à Monster House (2006), que ce procédé est au point. Le réalisateur des Indiana Jones a pris sa décision : son film sera un dessin animé, mais tourné comme un film en prises de vues réelles ! Alors qu'il n'a jamais caché son amour pour les caméras dites traditionnelles, qu'il utilisera encore dans le futur, il s'apprête à filmer pour la première fois un long-métrage en numérique (passage obligé pour le procédé d'enregistrement des mouvements employé). Qu'importe ; le résultat sera forcément novateur ! En 2007, Peter Jackson et Steven Spielberg annoncent officiellement le développement d'une trilogie basée sur Les Aventures de Tintin. Cette co-production des studios Universal Pictures et Paramount Pictures, qui s'occupe de la distribution des long-métrages produits par DreamWorks (propriétaire des droits d'adaptation de la franchise), allèche – ou inquiète - les fans les plus endurcis. Chaque cinéaste réalisera - en 3D - un volet, produit par l'autre, à l'aide de la capture de performance. Autant dire que l'hexagénaire reporter allait bénéficier des derniers progrès en matière de technologie ! Quant au troisième opus, ils ne savent pas encore s'ils le proposeront à une tierce personne ou s'ils y travailleront conjointement. Mais avant de se lancer dans cette aventure commune, ils tournent respectivement The Lovely Bones et Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal...

Un rêve d'enfance

Malgré le succès international des bandes dessinées, le personnage créé par Hergé n'a rencontré qu'un succès d'estime aux Etats-Unis, où seuls les comics sont rois. Il incombe donc au premier film de présenter les tenants et les aboutissants de cet univers à un public néophyte. Steven Spielberg insiste pour que ce véritable défi soit confié au scénariste Steven Moffat (la série Coupling), qui accepte dès octobre 2007. Avant la grève des scénaristes qui paralysera Hollywood à la fin de l'année 2007, Moffat écrit un premier traitement. Mais il n'aura pas le temps de terminer la seconde version du script. En effet, alors que le conflit s'éternise, la BBC lui propose de devenir le superviseur et producteur exécutif de la cinquième saison de Doctor Who, afin de remplacer Russel T. Davies au pied levé ! «C'était un rêve d'enfance», explique Steven Moffat. «Doctor Who passe avant Hollywood. Je ne pouvais pas manquer cette opportunité ! » Peter Jackson et Steven Spîelberg étant de grands fans de cette série, ils se montrent enclins à le laisser partir. Edgar Wright (Shaun of the Dead, Scott Pilgrim vs. the World) et Joe Cornish (Ant-Man) sont alors chargés d'écrire les dernières versions du scénario, qui reprend dans les grandes lignes les trames narratives de l'album Le Secret de la Licorne et de sa suite, Le Trésor de Rackham le Rouge. Tintin fera donc la connaissance des détectives Dupond et Dupont et du Capitaine Haddock, avant de partir à la recherche du trésor de l'ancêtre de ce dernier... Des récits qui se prêtent idéalement à une transposition sur grand écran ! Mais n'oublions pas que ce film doit également servir d'introduction à l'univers d'Hergé. Or ces albums sont respectivement les onzième et douzième tomes de la série, et Tintin faisait la connaissance de son meilleur ami, le Capitaine Haddock, dès le neuvième tome, Le Crabe aux pinces d'or ! Il fut donc décidé d'intégrer la scène de leur rencontre. Le même sort fut réservé à Dupond et Dupont, que Tintin croisa dès le quatrième album, Les Cigares du pharaon. Afin de signer la meilleure adaptation possible, Steven Spielberg et Peter Jackson décidèrent de piocher des éléments de plusieurs autres aventures de Tintin, créant ainsi un patchwork inédit. Notons, par exemple, que l'aérolithe (lîle-météorite aux propriétés spectaculaires) de L'Étoile mystérieuse pourrait faire une apparition remarquée. La fin du film, quant à elle, sera créée de toutes pièces afin de ménager un cliffhanger ouvrant sur le second volet ! Mais avant de préparer la suite, il faut d'abord être certain que le développement ne rencontre pas d'obstacles imprévus... Or quelques semaines avant le tournage, prévu pour la fin 2008, Universal Pictures décide de jeter l'éponge. Les piètres résultats au box-office de Monster House et Beowulf, ainsi que les importants cachets des réalisateurs, ont émoussé l'intérêt des dirigeants (et des actionnaires) du studio pour ce projet, qui risque de connaître ses derniers jours. Les responsables de la Paramount font grise mine : leur studio a d'ores et déjà dépensé près de trente millions de dollars dans la pré-production du film ! Steven Spielberg se tourne alors vers Sony/Columbia Pictures, qui accepte de co-financer le long-métrage en échange de son exploitation en Europe (excepté en France et au Royaume-Uni) ! Le tournage est annoncé pour 2009. Tintin l'a échappé belle...

Un monde numérique

Ce contretemps ne sera pas sans conséquences. L'emploi du temps de Thomas Sangster (Nanny McPhee), qui avait été sélectionné pour incarner Tintin, ne lui permet plus d'être libre pour le tournage. Jamie Bell (Billy Elliot), qui jouait dans le King Kong de Peter Jackson, est appelé à le remplacer. L'interprète de Gollum et de King Kong (et donc coutumier du port des costumes de capture de performance), Andy Serkis, obtient le rôle du truculent Capitaine Haddock, ainsi que celui de son ancêtre. En ce qui concerne les interprètes de Dupond et Dupont, Steven Spielberg a l'heureuse idée d'engager Simon Pegg et Nick Frost (Shaun of the Dead). «Il m'a invité à le rejoindre sur un plateau dédié à la capture de performance», révèle Simon Pegg. «Comme la majorité du travail de mise en scène est effectué sur ordinateur, seuls le réalisateur, arborant l'une de ses célèbres casquettes, et un technicien étaient présents ! Puis, à mon grand étonnement, il m'a dit que ce serait sympa de reformer le duo de Shawn of the Dead ». Effectivement, les inénarrables détectives imaginés par Hergé ne sont pas forcément plus brillants que les héros-malgré-eux du film d'Edgar Wright – l'un des co-scénaristes de cette adaptation de Tintin, rappelons-le ! Daniel Craig (Munich, Quantum of Solace), quant à lui, jouera Red Rackham. Toby Jones (The Mist), Mackenzie Crook (Les Pirates des Caraïbes) et Gad Elmaleh, qui incarnera Omar Ben Salaad, complètent la dtribution. «Je n’aurais jamais imaginé travailler avec Steven Spielberg», avoue l'acteur franco-marocain. «Il souhaitait un comédien français pour jouer ce trafiquant excentrique et amusant ». Enfin, pour ne pas changer une équipe qui gagne, le compositeur John Williams collabore pour le 24e fois à un film signé par Steven Spielberg. La bande originale est d'ailleurs d'ores et déjà enregistrée ! Il faut attendre le 26 janvier 2009 pour que le tournage soit lancé. Alors qu'une superproduction holywoodienne est traditionnellement filmée en trois à quatre mois, Steven Spielberg boucle les prises de vues au bout de 32 jours ! Il faut dire que la capture de performance, comme son nom l'indique, sert principalement à enregister le jeu des acteurs. La réalisation en elle-même, ainsi que tous les autres domaines participant à la fabrication d'un film, est élaborée au cours de la post-production... qui s'éternisera durant deux ans ! Mais la castafiore ne fait pas d'omelettes sans casser nos oreilles, après tout ! Quand on pense que certains blockbusters riches en effets visuels sortent au cinéma moins de six mois après la fin de leur tournage... «Inaugurée par Robert Zemeckis sur Le Pôle Express, la capture de performance a définitivement prouvé sa valeur grâce à Avatar», confirme Steven Spielberg. «Le résultat, bien plus précis qu'avec la simple capture de mouvement, est un art hybride, entre film traditionnel et animation. Il nous semblait que les prises de vue réelles ne conviendraient pas à l'univers d'Hergé, alors que ce procédé rend honneur à son style...» En effet, l'interprétation des comédiens n'étant constituée que de données numériques, il devient tout à fait possible d'imaginer et de créer de toutes pièces un univers graphique totalement inédit...





Le Volume

Le plateau de capture de mouvement, surnommé «le Volume», permet à Steven Spielberg de regarder le jeu des acteurs appliqué en temps réel sur leurs avatars numériques, ce qui facilité considérablement le travail de mise en scène. Auparavant, pour ce type de film, il fallait attendre plusieurs heures avant de pouvoir découvrir le résultat en images de synthèse. De plus, les comédiens évoluent dans un véritable plateau virtuel ! «Ils portent de drôles de combinaisons moulantes arborant une multitude de marqueurs verts. Les caméras du Volume enregistrent tous leurs mouvements, ainsi que leurs expressions faciales. Si nous voyons le Tintin de Hergé à l'écran, c'est bien la performance physique et émotionnelle de Jamie Bell qui lui donne vie ». Mackenzie Crook avoue avoir vécu une expérience hors-du-commun.«Cinq personnes vous filment à l'aide de caméras portables. Une autre, fixée sur votre tête, se concentre sur votre visage, afin de ne manquer aucune de vos émotions. Et Steven Spielberg, assis, manipule les images sur un ordinateur...». En réalité, le cinéaste, s'il peut tout-à-fait cadrer ses plans, a désormais la possibilité de se concentrer sur la direction d'acteurs. Le reste se fera majoritairement en post-production. Toutes les données numériques enregistrées lors du tournage participent à la création d'un véritable monde virtuel, et il est possible de retravailler la mise en scène, le cadrage, bien plus tard. Une nouvelle manière de faire du cinéma qui est en train de naitre... «J'ai adoré», explique Steven Spielberg. «Je n'ai jamais eu autant l'impression d'être un peintre ! C'est très différent de ce que j'ai fait auparavant ; je peux influer sur davantage de domaines. Il vous suffit d'enregistrer le jeu des acteurs avec une caméra qui fait trois fois la taille d'une manette Xbox ! Vos plans, vous pouvez les concevoir ultérieurement, dans un monde virtuel...». Ce qui n'a pas empêché le cinéaste d'aborder ce tournage comme celui d'un film traditionnel. « Je peux aussi promener ma caméra autour des comédiens. Quand je regarde le résultat sur les écrans, non seulement il s'agit de temps-réel, mais aussi d'un monde en trois dimension ! Pour tous les films que j'ai fait, avant Tintin, je fermais un œil pour composer un plan. Je voulais avoir un aperçu du le résultat, en 2D. Mais cette fois-ci, le film étant conçu en relief, j'ai gardé mes deux yeux ouverts !».





Association d'idées

Si Steven Spielberg réalise officiellement Le Secret de la Licorne, ce film est en réalité le fruit d'une collaboration inédite. A travers sa société d'effets visuels, Weta Digital, Peter Jackson supervise la longue post-production. Spielberg, lui, peut se concentrer sur la mise en scène ! Selon leurs déclarations, ils inverseront leurs rôles pour le second opus, pour lequel les animatiques de plusieurs scènes étaient d'ailleurs déjà prêtes dès juin 2009. Or maintenant que Peter Jackson s'est lancé dans l'aventure Bilbo le Hobbit, aura-t-il le temps de travailler sur une éventuelle suite ? A l'heure où nous écrivons ces lignes, rien n'est moins sûr... A moins que Steven Spielberg déménage pendant deux ans en Nouvelle Zélande, où se trouvent les bureaux de Weta ? Quoiqu'il pourrait suivre l'exemple de son ami, qui prenait quotidiennement des nouvelles du tournage de Tintin par webcam interposée ! De toutes manières, la création de ce long-métrage atypique n'obéit pas vraiment à une logique chronologique. Plusieurs semaines de tournage additionnel furent d'ailleurs organisées durant l'été 2009 ! Pour l'anecdote, le jour où Steven Spielberg dut consulter un docteur, les acteurs furent étonnés de découvrir que Peter Jackson les dirigeait par écran vidéo, via une liaison satellite ! «On aurait dit que Dieu s'exprimait de là-haut», s'amuse Simon Pegg. Gad Elmaleh se souviendra longtemps de sa - courte – aventure. «J’étais sidéré, et très ému, par mes dix jours de tournage, qui se sont déroulés dans une atmosphère conviviale».



Une bande dessinée photoréaliste

Selon les artistes de Weta, les personnages ont un aspect et un rendu réaliste, mais une morphologie de bande dessinée ; soit le style inimitable de Hergé dans un contexte photoréaliste. Ce mariage contre-nature devrait préserver l'essence du design de l'auteur, tout en lui insufflant une nouvelle dimension. A ce propos, la 3D devrait soutenir cette démarche artistique, le film ayant été pensé dès le départ pour une diffusion en relief ! Nous serions alors loin du gimmick alimentant les blockbusters convertis à la dernière minute en 3D ! Mais certains spécialistes craignent que l'univers visuel de Tintin soit incompatible avec le relief. «Il n'y a pas plus 2D que le dessin de Hergé», regrette le chef animateur Andres Dejà (Le Roi Lion, Aladdin). En attendant de découvrir le résultat, le 26 octobre 2011, espérons avoir rapidement des nouvelles du second opus, dont le scénario pourrait être tiré des albums Les 7 Boules de Cristal et Le Temple du Soleil ! Quoique l'avenir nous réserve, le pari relevé par Peter Jackson et Steven Spielberg est indéniablement risqué...



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