Exclusif : Les effets spéciaux de maquillage de PREDATORS - Entretien avec Greg Nicotero – Première partie
Article Cinéma du Lundi 08 Aout 2022

A l'occasion de la sortie de Prey sur Disney+, nous vous proposons de redécouvrir cet entretien réalisé en 2010 pour la sortie de Predators...

Co-créateur du Studio d’effets spéciaux de maquillage KNB avec Howard Berger, Greg Nicotero a débuté dans les années 80, intervenant sur les grimages horrifiques de films comme DAY OF THE DEAD, EVIL DEAD 2 et CREEPSHOW 2. Dans les années 90, il entame une fructueuse collaboration avec Robert Rodriguez sur les films UNE NUIT EN ENFER  (1996) et ses deux suites, THE FACULTY (1998), SPY KIDS (2001) et les deux volets suivants, DESPERADO 2 (2003), SIN CITY (2005), BOULEVARD DE LA MORT et PLANETE TERREUR (2007). C’est bien évidemment à lui que Rodriguez a immédiatement confié le soin de ressusciter les créatures de PREDATORS, issues d’une histoire qu’il avait écrite il y a une quinzaine d’années, à la demande de la Fox…

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Quels ont été les défis qu’il vous a fallu relever pour recréer des personnages aussi célèbres que les predators, qui sont de vraies icônes de la SF, et pour en inventer de nouvelles versions ?

Je me souvenais que Robert avait écrit le scénario d’une suite de PREDATORS peu après le tournage d’ UNE NUIT EN ENFER. A l’époque, il m’avait parlé de son idée de partie de chasse sur une autre planète, avec de nombreuses créatures en plus des predators eux-mêmes. Dans cette première version de l’histoire, Il y avait beaucoup de chasseurs predators, beaucoup d’animaux originaires de cette planète et beaucoup de proies d’origines extraterrestres, en plus des personnages humains. Les chasseurs disposaient aussi d’équipements motorisés pour se déplacer. C’était une autre vision d’une partie de chasse, avec un déploiement de force plus important. L’une des choses que Robert tenait absolument à faire, en tant que fan du film original, c’était de prétendre que tout ce qui avait eu lieu après PREDATOR 2 n’avait jamais existé. Il envisageait cela comme un nouveau départ, un retour aux sources destiné à satisfaire les vrais fans comme lui. Notre but a donc été de recréer le personnage du film original, ce qui était particulièrement excitant pour moi, puisque j’avais eu l’occasion de travailler un peu sur ce film à l’époque. J’avais gardé des photos géniales du tournage, où l’on voit le regretté Kevin Peter Hall revêtir les différents éléments du costume. Nous disposions d’excellentes références pour reproduire le personnage quasiment à l’identique et nous avons donc été très fidèles à ce design, en recréant tout de A à Z. Je tiens à préciser que nous n’avons récupéré aucun des moules ou des éléments fabriqués auparavant. Notre équipe de 60 personnes a tout fabriqué spécialement pour  ce film, non seulement le predator « classique », mais aussi les trois chasseurs que nous appelons les « Berserkers » ou « super - predators ».

Votre collègue et partenaire de KNB, Howard Berger, avait également travaillé sur le PREDATOR original en 1987, au sein du studio de Stan Winston, mais avez-vous dû malgré tout inventer de nouvelles solutions pour créer et animer les nouveaux personnages de PREDATORS ?

Oui. Autant nous nous sommes tenus à une reproduction fidèle du predator original - à quelques différences de couleurs près, étant donné que le premier predator mourrait à la fin du film ! - autant nous avons eu carte blanche pour chercher de nouveaux designs et animer les super-predators. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour préparer et fabriquer tous les éléments du film, et les circonstances ont fait que pendant que je travaillais sur PREDATORS avec une partie de notre équipe, Howard travaillait en Australie sur le nouvel épisode des CHRONIQUES DE NARNIA. Il n’a donc pas participé du tout à PREDATORS, en dépit de l’expérience qu’il avait acquise sur l’original ! Il est parti en Australie en juin et est revenu en décembre, et pendant ce temps, nous avions préparé PREDATORS, fabriqué tous les éléments, et tourné le film ! (rires)

Quelles ont été les premières indications que vous ont donné Nimrod Antal et Robert Rodriguez, concernant les super predators ?

Lors de notre première réunion de travail en commun, Nimrod nous avait dit, pour nous mettre sur la bonne piste, « Si on comparait le predator classique à une cassette audio, les super predators seraient des Ipods. » (rires) Cette analogie m’a tout de suite permis de visualiser ce que nous pourrions faire : des créatures plus fines, aux formes plus élégantes, et aux capacités physiques encore mieux adaptées pour capturer et tuer leurs proies.  On devait se rendre compte qu’ils étaient encore plus efficaces en les voyant, et penser que l’issue d’un combat avec eux ne pouvait être que la mort. Les nouveaux designs devaient également exprimer l’idée que chacun de ces chasseurs possède des compétences très particulières, qui le rendent extrêmement performant au sein du groupe quand il traque et capture ses proies. Mais ce n’est pas l’acte de tuer qui nous intéressait ici. Comme dans le premier film, ce sont les techniques de chasse et l’intelligence des chasseurs et des proies qui tentent de se piéger mutuellement qui fait tout l’intérêt du récit.

Pouvez-vous nous décrire les caractéristiques de chacun des nouveaux predators ?

Eh bien pour commencer, chacun des masques métalliques de ces trois predators est particulier et exprime la personnalité de son propriétaire. Ils portent aussi des armures personnalisées.  Au sein du trio, il y a « le maître chien », puis le pilote du drone de surveillance appelé « le faucon », et celui que nous avons surnommé « Mr Black », qui est le predator dominant, que l’on peut voir sur l’une des pré - affiches du film. Ils ont tous des têtes plus fines et plus allongées qu’un predator classique, et leurs « dreadlocks » sont placées à l’arrière de la tête, pour obtenir des lignes plus élégantes. Et chacun d’entre eux a des textures de peau et des teintes spécifiques, que l’on ne découvre qu’au moment où ils enlèvent leurs masques. John Weaton, Joey Orosco et Mike Broom ont été en charge de réaliser ces designs après que je leur ai expliqué la vision de Nimrod et de Robert.

Est-ce que vous essayez de suggérer que ces trois predators ont subi des modifications génétiques, afin de modifier leurs caractéristiques physiques ?

Non, l’idée est tout simplement qu’ils appartiennent à une autre tribu, à une ethnie différente de celle du predator classique. Nous avons imaginé aussi que le premier predator était un chasseur très ordinaire, moyennement doué, et disposant d’un matériel basique, tandis que le trio de predators appartient à une autre caste sociale, est beaucoup mieux entraîné, et dispose d’équipements très sophistiqués et probablement infiniment plus coûteux.

Ce sont les vrais yeux de Derek Mears, recouverts par des lentilles de contact, que l’on peut voir lorsqu’il incarne le predator « classique ». Pourquoi avez-vous décidé d’employer des yeux artificiels, animés par des servomoteurs sur les trois super-predators ?

Nous avons pris cette décision en raison de la forme plus allongée des têtes des super-predators. La tête d’un predator classique, plus ramassée, se prêtaît à l’utilisation des vrais yeux de l’acteur,  tandis qu’il était impossible d’avoir recours à cette solution avec les « Berserkers ». Les yeux des têtes animatroniques ont parfaitement fonctionné, comme les autres animations faciales des super predators, grâce au formidable travail accompli par Jeff Edwards et Dave Vogh.

Comment êtes-vous parvenus à aménager des trous dans les têtes animatroniques pour permettre aux acteurs de voir un peu ce qui les entourait ?

Cette partie de notre travail est toujours très délicate à régler, non seulement parce qu’il faut que les acteurs puissent voir et respirer correctement sans que les spectateurs remarquent les trous, mais aussi parce que le même costume n’est pas toujours porté par la même personne tout le temps. Les morphologies changent à l’intérieur des têtes, ce qui joue forcément un peu sur les axes de vision. Derek Mears et Jeremy Fitzgerald jouaient le predator classique, tandis que les super predators étaient incarnés par Kerry Jones et Brian Steele. Le truc que nous avons employé a consisté à placer les trous à l’intérieur de la bouche dans la partie supérieure du palais, afin que les acteurs puissent voir le sol devant eux et se situer ainsi par rapport aux autres comédiens.

Ce doit être une vraie prouesse de jouer ainsi sans tomber ni heurter involontairement des éléments de décor !

Effectivement, c’est très difficile de jouer ainsi parce que cela ne vous laisse qu’un champ de vision tronqué. C’est justement la raison pour laquelle nous devons engager des acteurs très spécialisés dans ce genre de rôles masqués et costumés, parfaitement habitués à ces conditions de travail, et si doués qu’ils sont capables de se situer dans l’espace et de se déplacer même avec cette vision extrêmement réduite. Les spectateurs qui verront le film auront certainement du mal à se rendre compte de l’exploit que cela représente. Pour vous donner une idée de ce qu’ils accomplissent, imaginez que vous portez une combinaison de plongée qui comprime votre corps, un sac par dessus la tête qui vous fait transpirer et ne vous permet de voir qu’une partie du sol devant vous, et qu’on vous demande de marcher et de courir dans un décor avec des tas d’obstacles, pendant que des explosions et des flammes vous entourent, tout en jouant la comédie et en faisant passer des sentiments grâce à vos attitudes ! Voilà ce que les acteurs qui jouaient les super predators devaient accomplir tous les jours. Imaginez la concentration mentale que cela représente quand vous devez faire des gestes très précis, par exemple pendant une scène de combat avec un humain ou avec un autre predator ! Tous ces acteurs, et Kerry Jones en particulier, ont fait un travail formidable.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur notre site

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