La création de L'Empire Contre-attaque
Article Cinéma du Samedi 10 Decembre 2016

Alors que les fans attendent avec impatience Rogue One, le cinquième épisode de la saga Star Wars , L'Empire contre-attaque, approche de son 37ème anniversaire. S'il s'agit du deuxième volet chronologiquement produit par Lucasfilm, ce film est souvent considéré comme étant le meilleur de la série. Amour, trahison, révélations, sacrifice : l'Empire contre-attaque possède tous les traits d'une véritable tragédie. Cet épisode de transition a laissé son empreinte sur l'Histoire du cinéma grâce à son ambiance crépusculaire, l'approfondissement des personnages et une poignée de scènes cultes... A l'occasion de la sortie de Rogue One, nous reviendrons, tout au long de cette semaine, sur la création des trucages de l'Episode V.

Par Pierre-Eric Salard

Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine…

Trois ans après la destruction de l'Etoile Noire, l'Alliance Rebelle s'est réfugiée sur Hoth, une planète glacée. Sous le commandement de Dark Vador, l'Empire découvre la base secrète et lance ses quadripodes à l'assaut des forces rebelles. Nos héros, séparés, courent vers un destin tragique. Après avoir reçu une visite du fantôme d'Obi-Wan Kenobi, Luke Skywalker se rend sur Dagobah, une planète marécageuse où demeure le vénérable Jedi Yoda. Ce dernier va entamer sa formation de Chevalier Jedi. Han Solo et la Princesse Leia, quant à eux, sont pourchassés par les croiseurs impériaux à travers un champs d'astéroïdes. Ils finissent par trouver refuge sur la Cité des Nuages de Bespin, administrée par Lando Calrissian. Mais les forces de l' Empire les ont précédés...



Joyau de la couronne de la saga Star Wars, L'Empire contre-attaque est tout d'abord le seul film qui détourne l'une des règles de la série de George Lucas : la grande bataille ne conclue pas le film, mais l'ouvre ! Or qui peut oublier l'implacable assaut des quadripodes impériaux ? Ce film introduit également plusieurs des personnages emblématiques de la franchise, à commencer par l'inoubliable Yoda. Simple marionnette conçue par Stuart Freeborn et animée par Frank Oz, le plus ancien des Maîtres Jedi se présente comme une faible créature extraterrestre avant de dévoiler sa sagesse millénaire. Lando Calrissian, quant à lui, offre un contrepoint idéal à la disparition de Han Solo (Yan dans l'insipide traduction française). N'oublions pas l'Empereur : si nous ne découvrons que son hologramme, sa noirceur promet une apparition inoubliable dans le volet suivant. Enfin, l'apparition de Boba Fett, un chasseur de primes peu prolixe qui avait été présenté en 1978 à l'occasion de la diffusion de l'OVNI télévisuel Star Wars Holiday Special, fait sensation auprès des passionnés. Malgré son rôle de second plan, ce personnage possède un tel charisme qu'il devient rapidement le chouchou des fans – jusqu'à obtenir un rôle central dans L'Attaque des Clones, 22 ans plus tard... Enfin, L'Empire contre-attaque dévoile enfin aux spectateurs la puissance de la Force, un concept tout juste abordé dans Un Nouvel Espoir (1977). Luke Skywalker obtient ses galons de Jedi... et participe au plus emblématique combat au sabre-laser de la saga. Son affrontement avec Dark Vador n'est pas le plus visuellement impressionnant (la nouvelle trilogie est passée par là !), mais il est le plus lourd en conséquences : Luke découvre son lien avec le Seigneur des Sith, et c'est toute l'histoire de la saga qui est bouleversée ! Lorsque le jeune Jedi est vaincu par son père, qui lui propose de le rejoindre pour renverser l'Empereur et gouverner la galaxie, l'avenir de la franchise est tracé. Et ce renversement de situation compte parmi les plus inattendus du Septième Art ! On se souvient encore d'un épisode des Simpson où un jeune Homer sort d'une séance de L'Empire contre-attaque et déclare ouvertement le lien filial entre Luke et Vador, au grand dam des fans qui font la queue... 1980, où l'année durant laquelle Star Wars confirma son statut de franchise culte...

Fais ou ne fais pas, mais n'essaie jamais

Mais avant de nous offrir ces inoubliables moments de cinéma, la production du film a subi un développement pour le moins chaotique ! Suite au succès du premier volet, en 1977, George Lucas entrevit la possibilité de s'émanciper du système hollywoodien, et plus particulièrement des studios Twentieth Century Fox, qui avaient produit Un Nouvel Espoir. Propriétaire des droits de son œuvre grâce à un célèbre coup de bluff, il réinvestit tous les bénéfices engendrés par le premier opus dans la production de L'Empire contre-attaque. Mais éreinté par le tournage de son précédent film et occupé par son poste de producteur (Les Aventuriers de l'Arche Perdue) et l'essor de son studio d'effets spéciaux Industrial Light & Magic, il décide de confier la réalisation de l'Episode V à une tierce personne. Il offre ce poste à l'un des ses anciens professeurs de l'école USC, Irvin Kershner. Ce dernier refuse, avant de se raviser sur les conseils de son agent. « Une suite n'est jamais, ou presque, à la hauteur du premier volet », confiait Irvin Kershner, qui, ironiquement, est surtout connu pour avoir réalisé des suites (Jamais plus Jamais, RoboCop 2). « Mais George Lucas avait imaginé une histoire en trois actes, et le second acte est toujours le plus intéressant. C'est à ce moment là que tout est encore possible ! Vous n'avez plus besoin de présenter l'univers et les personnages, et vous pouvez laisser les événements en suspens : il y aura un troisième acte ! Un second acte est synonyme de bouleversements, et c'est exactement ce qui se passe : L'empire contre-attaque littéralement et broie la Rébellion, Luke perd sa main, Han est congelé... C'est un véritable cauchemar ! Et subitement, Dark Vador devient le personnage central de la saga ! Travailler sur ce film était certainement bien plus amusant que sur les deux autres... » L'écriture du scénario est confiée à une romancière et scénariste américaine (Le Grand Sommeil, Rio Bravo), Leigh Brackett, célèbre pour ses livres de science-fiction (Les Hommes Stellaires, Le cycle de Skaith). Mais elle décède malheureusement des suites d'un cancer peu après avoir remis une première version du script à George Lucas. Ce dernier demande alors à Lawrence Kasdan, qui venait d'écrire le scénario des Aventuriers de l'Arche Perdue, de prendre le relève. « Avec George et Irvin Kershner, nous nous sommes réunis à plusieurs reprises », expliquait le scénariste. « Ces sessions étaient très intenses. George avait toute l'histoire dans sa tête. J'ai écrit très vite, et j'ai obtenu aussi rapidement l'approbation de George et du réalisateur. Lucas ne me faisait des remarques uniquement si un détail ne lui plaisait pas ». Lorsque celui-ci lui annonça que Dark Vador était le père de Luke, Lawrence Kasdan ne fut pas spécialement étonné. « Il s'agit d'une vieille rengaine : il y a le bien et le mal. Le côté clair, et le côté obscur. C'est un choix de chaque instant. La peur... Nous connaissons tous la peur. Et cette émotion peut mener au côté obscur. L'histoire de Dark Vador, et donc d'Anakin Skywalker, représente l'ambivalence de notre espèce. L'Histoire ne manque pas d'exemples ! Et l'Art, peu importe sa forme, aborde cet aspect de la vie. Alors faire de Dark Vador le père de Luke était une idée géniale ! » Lorsque Irvin Kershner obtient la dernière version du scénario, il supervise la confection d'un storyboard particulièrement détaillé – ce qui sera très utile aux équipes d'Industrial Light & Magic, le film nécessitant d'époustouflantes séquences à effets spéciaux. Ce document sera également d'une grande aide pour le tournage, qui n'a pas été de tout repos...

Les aléas de la production

Les prises de vue débutent en mars 1979 à Finse, une petite ville perdue au milieu des étendues enneigées de la Norvège. Ces magnifiques paysages glacés figurent parfaitement la planète Hoth ! Par manque ce chance, l'équipe de tournage doit affronter les plus froides conditions météorologiques que la région a connu depuis une cinquantaine d'années ! Avec un température de moins 30 degrés, et plus de cinq mètres de neige, la production se retrouve même momentanément coincée à l'hôtel ! Qu'importe, le plan où Luke s'échappe de la caverne du terrible wampa est filmé juste devant le bâtiment... Pour le plus grand plaisir des membres de l'équipe, la suite du tournage se déroule au sein des plateaux chauffés des studios Elstree, à Londres, où plus de soixante décors sont construits. Des plateaux un peu trop brulants, d'ailleurs : en janvier, l'un d'eux subit un incendie alors que le tournage du Shining de Stanley Kubrick se termine ! Ce nouveau palier franchit par la malédiction qui entoure la production de l'Empire contre-attaque aura d'importantes conséquences sur le planning du tournage et le budget du film... Ces aléas n'empêcheront pas le réalisateur Irvin Kershner d'utiliser à bon escient ses talents de directeur d'acteurs. George Lucas lui laissant les mains libres (il ne rendra visite qu'une poignée de fois), le réalisateur permet à ses comédiens d'exprimer leurs talents. Ainsi Harrison Ford improvise un célèbre dialogue de la saga : alors que son personnage s'apprête à se faire congeler, l'acteur répond « je sais » à la déclaration d'amour de la Princesse Leia. Du pur Han Solo ! Notons par ailleurs que la nature du retournement de situation du film - lorsque Vador dévoile la vérité à son fils – était un secret connu par une petite poignée de membres clés de la production. Pendant le tournage, le comédien David Prowse, qui joue le Seigneur des Sith, déclarait qu'Obi-wan avait tué le père de Luke. Aussi étrange que cela puisse paraitre pour une époque où internet n'est qu'un fantasme, seuls George Lucas, Lawrence Kasdan, Irvin Kershner, Mark Hamill et James Earl Jones (la voix de Vador) sont au courant de ce que dévoilera réellement le grand méchant de la saga ! On imagine aisément l'air ébahi du reste de l'équipe lorsque le film leur a été projeté... Et les réactions sont unanimes : cet événement marque le tournant du film... et de la série ! « Ce film promettait d'être incroyable... et nous avons découvert qu'il l'était ! », se souvient Lawrence Kasdan. « Après les ennuis qui ont émaillés la production, cela a représenté pour nous un grand soulagement. Quoiqu'on puisse dire, Irvin Kershner a eu un impact considérable sur le ton du film. L'Empire contre-attaque possède bien plus de facettes que son prédécesseur. Il est mieux filmé, mieux éclairé, mieux joué. Les effets visuels sont meilleurs. Les personnages sont plus intéressants. C'est la somme de ces qualités qui fait que le film a atteint ce statut à part dans le coeur des fans. Et je sais que George est d'accord avec moi... » Mais contrairement à ce qu'on imagine, le film ne rencontre pas un succès dithyrambique (toutes proportions gardées : il s'agit de Star Wars après tout !) à sa sortie. Les critiques sont généralement mitigées, certains reprochant la disparition de la légèreté du premier opus. Et si le film est à la tête du box-office en 1980, il se retrouve à dernière place au sein de la série. Qu'importe, c'est avec le temps que cette œuvre a été jugée à sa juste valeur. 37 ans plus tard, le doute n'est plus possible : la Force accompagnait le développement chaotique de ce film...

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