Exclusif Effets-speciaux.info : Les effets visuels de Terminator Renaissance
Article Cinéma du Mercredi 01 Juillet 2015

A l'occasion de la sortie de Terminator : Genisys, nous vous proposons de (re)découvrir cet entretien consacré aux trucages de Terminator Renaissance (2009).

Entretien exclusif avec Philippe Rebours, à Industrial Light & Magic

Propos recueillis par Pascal Pinteau

Après avoir travaillé en France chez Buf compagnie sur Batman et Robin et La cité des enfants perdus, Philippe Rebours a rejoint ILM en 1998, intervenant sur les épisodes 1, 2 et 3 de la trilogie Star Wars, A.I. Intelligence Artificielle, Minority Report, Terminator 3, Eragon, Les chroniques de Spiderwick et Iron Man. Philippe vient de superviser la production des effets visuels de Terminator Renaissance et a eu la gentillesse de répondre en exclusivité aux questions des visiteurs d’Effets-speciaux.info lors de notre récente visite d’ILM...



Philippe, merci de nous recevoir à ILM, et de nous accorder du temps alors que vous êtes encore accaparé par votre travail sur Terminator Renaissance. Voici quelques questions qui vous sont posées par les visiteurs d’Effets-speciaux.info :

Laurent2 : Dans Terminator et Terminator 2, les endosquelettes étaient représentés par des marionnettes créées par Stan Winston, dans Terminator 3, ces personnages étaient virtuels. Est-ce que dans Terminator Renaissance, on a recours à des robots virtuels ?

Oui, mais aussi à des Terminators réalisés sous forme de marionnettes par l’équipe de Stan Winston, dirigée par John Rosengrant. Il y a des plans du film où l’on voit uniquement la marionnette, beaucoup aussi qui sont des mélanges de la marionnette et d’une partie du personnage en 3D, et une majorité qui sont réalisés entièrement en 3D, parce qu’il était impossible d’animer la marionnette de cette façon-là, avec autant de précision qu’un personnage virtuel. Il y a un plan, par exemple, où la marionnette d’un T-600 fabriquée par l’équipe de Stan Winston est projetée en arrière et tombe violemment sur le sol. Mais le mouvement du bras mécanique n’était pas satisfaisant dans le plan en prises de vues réelles. Il tombait comme un bras de pantin, et non pas comme le bras lourd et massif d’une machine en acier. Nous avons proposé à McG, le réalisateur, de recréer seulement le mouvement du bras en 3D, et de laisser le reste de l’image réelle du T-600. Il nous a donné son accord, et c’est ainsi que ce plan a été finalisé.

Darkee : Les trucages de Terminator 2 ont marqué l’histoire du cinéma, pensez-vous que ceux de Terminator Renaissance marqueront eux aussi une avancée dans le domaine des effets spéciaux numériques ?

C’est possible. En tous cas, il y a certains effets qui sont d’un réalisme extrême. Peut-être que certains spectateurs qui ne vont que rarement au cinéma ne s’en rendront pas compte, et que d’autres, qui vont régulièrement voir des films fantastiques et de SF verront les progrès accomplis, mais personnellement, je dois dire que j’ai été extrêmement impressionné par les plans avec le T-600 animé en 3D. Tant au niveau de l’animation que du rendu des matières, il est totalement indiscernable du T-600 mécanique du studio de Stan Winston. Il faut dire que nous avions eu accès aux marionnettes des personnages, et que nous les avons scannées en 3D, et photographiées en haute définition, ce qui nous a donné d’excellentes références de proportions, de couleurs et de textures. Il y a aussi d’autres plans bluffants…mais dont je ne peux hélas pas vous parler !

Alienfactory : Avez-vous eu à travailler sur des plans avec un terminator qui a l’aspect classique du cyborg endommagé, c’est à dire les tissus humains arrachés qui révèlent le squelette de métal ? Avez-vous approché ces effets sous un angle traditionnel (maquillages + 3D comme dans Terminator 3) ou avez-vous créé votre propre technique pour montrer ces cyborgs sous un nouveau jour ?

Certains plans ont été réalisés de manière traditionnelle, comme dans Terminator 3, avec des effets de maquillage et des parties de l’acteur masquées avec des éléments bleus, dans lesquels nous avons intégré de la 3D. Tandis que d’autres plans ont été créés entièrement en synthèse.

Alienfactory : Sans dévoiler l’histoire du film, quel a été le ou les plans les plus difficiles à réaliser, ou qui mettent en scène le plus d’éléments différents à gérer ?

(rires) Sans dévoiler l’histoire du film, vraiment ?! (rires) Il y a des plans extrêmement complexes dont je ne peux pas parler du tout, et qui ont été difficiles à la fois au niveau de la modélisation, du réalisme et de l’animation. Vous comprendrez lesquels quand vous verrez Terminator Renaissance ! Et il y a une autre séquence de simulation de fluide combinée à de l’animation, qui a été très compliquée à réaliser. C’est un peu le problème de l’œuf ou de la poule. Imaginons que l’on anime une créature qui se trouve dans un lac. Un bateau passe, provoque l’apparition d’une grosse vague, qui pousse la créature et l’entraîne plus loin. On va d’abord animer le bateau et la créature poussée plus loin, puis on va se servir de cette base pour faire une première simulation de fluide, afin de créer la vague. Mais la simulation de la vague ne va pas forcément correspondre exactement au timing de l’animation du personnage qui a déjà été faite. Donc il faut revenir à l’animation pour faire en sorte que l’animation du personnage corresponde mieux à l’arrivée de la vague. Mais ensuite, il va falloir revenir à la simulation, pour que l’interaction au moment de l’impact se fasse bien ! Bref, ça peut prendre beaucoup de temps en ajustements. Tout ce qui est liquide est très complexe à mettre en image. Ce sont des masses qui évoluent dans l’espace et dont le volume change constamment. Dès que l’on simule de l’eau, tout devient très compliqué. Ce genre de plans accapare beaucoup de temps de travail.

Oren : Avez-vous utilisé des maquettes pour les décors et pour certaines machines ? Ou est-ce que tout a été modélisé sur ordinateur ?

Oui, nous avons eu recours à des maquettes, notamment dans une séquence où l’on assiste au bombardement d’un champ d’antennes paraboliques pointées vers le ciel. C’est Kerner Optical, l’ancienne division de fabrication de maquettes d’ILM, qui les a construites. Les explosions ont été tournées à grande vitesse, selon le procédé classique. Nous avons filmé en 35mm et photographié en haute définition ces maquettes intactes, puis les maquettes détruites après les explosions, afin de pouvoir intégrer ces éléments dans les prises de vues réelles correspondantes. C’est un processus intéressant, car on peut utiliser ces photos haute résolution 2D et les intégrer dans la géométrie d’autres plans, sous d’autres axes, et même les positionner dans l’espace, pendant un mouvement de caméra.

Jj92000 : Le choix artistique de McG d’utiliser une pellicule à forte densité en argent, produisant une image très contrastée, a-t’il posé des problèmes au moment du compositing des éléments ? Dans le meilleur des mondes, auriez-vous préféré que tout soit tourné directement en numérique ?

En fait, le traitement de l’image a eu lieu à la fin, pas avant le compositing. Au moment du tournage, les images sont exposées de manière normale. Par contre, pendant que nous travaillions, nous avions mis au point un système de « lookeup », c’est à dire une simulation simplifiée de cet effet d’image contrastée aux couleurs désaturées, afin de savoir ce que cela donnerait une fois projeté dans les salles de cinéma. Mais nous avions besoin de travailler d’abord sur une image « normale », afin que les trucages soient parfaits à la base, avant le processus. Si nous avions procédé de la manière inverse, nous aurions risqué de ne pas voir certains problèmes, dissimulés par l’effet de contraste, et qui ne se seraient révélés qu’au moment du tirage des copies pour l’exploitation en salles, ou pendant la fabrication des masters DVD et Blu-Ray. Pour Terminator Renaissance, nous avons donc travaillé avec deux « Lookeups » : le premier est assez neutre et permet de repérer tous les détails. C’est celui que l’on utilise comme base de notre travail de trucage. Et ensuite, le second « Lookeup » nous sert à créer une approximation du rendu final de l’image, avec l’effet de contraste et de désaturation, pour nous vérifier si tout passe bien ainsi.

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