Dans les coulisses de ONE PIECE – 4ème partie : Décors, costumes, effets spéciaux de maquillage et cascades
Article TV du Lundi 09 Octobre 2023

NB: toutes les interviews de ce dossier ont été enregistrées en 2022 et début 2023, avant la grève des acteurs et des scénaristes.

ANECDOTES DE TOURNAGE

« On dit souvent des adaptations comme la nôtre qu'elles sont "réalistes", mais ONE PIECE n'est pas réaliste, et c'est ce qui en fait un monde merveilleux. Je préfère le terme "tangible". On veut pouvoir sentir que ces choses, ces endroits et ces gens peuvent exister. Ce principe a présidé à la plupart de nos travaux. C'est pour cette raison qu'on a construit de nombreux décors. De la même façon, on a utilisé des prothèses pour les hommes-poissons, et non des images de synthèse. Il fallait que ces éléments semblent réels. » — Matt Owens, coshowrunner

LES DÉCORS

Richard Bridgland, créateur des décors (THE NICE GUYS, AMERICAN ULTRA) a privilégié une approche réaliste du fantastique pour chacun de ses décors. Il voulait rendre hommage à la façon dont certains navires et villages étaient dessinés dans le manga d'Eiichiro Oda, tout en les adaptant pour un tournage en prise de vues réelles. « Il était important que chacun des navires et des décors ait un passé et une histoire. Même si le public n'en connaît rien, je tenais à ce que leur passé existe pour qu'on sente que tous ces lieux et éléments disparates appartiennent bien au même univers. Il fallait un certain sens historique pour relier les choses entre elles. »

Pour le tournage de ONE PIECE, Richard Bridgland et son équipe ont gagné du temps en récupérant les énormes navires construits pour la série BLACK SAILS, qu'il ne restait plus qu'à modifier. La plupart des membres de l'équipe technique qui avaient travaillé sur cette série (diffusée jusqu'en 2017) ont également participé à ONE PIECE. « Notre série est bien plus loufoque et délirante que BLACK SAILS, mais notre équipe connaissait déjà les bases de la construction de navires, du tournage sur l'eau et de tout ce genre de choses », note Richard Bridgland.

Toutes les séquences à l'intérieur des navires ont été tournées en studio, à l'exception de celles du Miss Love Duck, le navire de la capitaine Alvida, qui a été installé dans l'un des plus grands vaisseaux de BLACK SAILS réutilisé par la production et précédemment baptisé Man O' War. L'équipe a pu tourner quelques scènes dans les entrailles du navire : un décor énorme... complètement repeint en rose.

Deux vaisseaux ont été entièrement construits pour le tournage : D'abord, le vaisseau emblématique des Chapeaux de paille, le Vogue Merry.

« Chaque navire a sa propre personnalité. Le Vogue Merry devait représenter l'équipage des Chapeaux de paille, notamment son côté espiègle. Il devait aussi évoquer un foyer. L'intérieur a donc été conçu pour faire penser à une grande cuisine qui semble familière à tous. »

L'autre navire est le Baratie, construit sur le modèle d'un galion espagnol. Les aspects farfelus du vaisseau, comme sa figure de proue en forme de poisson, viennent directement du manga, tandis que d'autres détails, dont certains n'apparaissent même pas à l'écran, ont été ajoutés pour enrichir le décor. Les plats figurant au menu, par exemple, apparaissent tous dans le manga. Les tableaux de la salle à manger principale montrent des lieux existant dans le monde de ONE PIECE que Zeff, le chef, a visités lors de ses voyages.

De la même façon, la collection démente de tableaux et de babioles dans la demeure de Kaya a été composée tout aussi délibérément : « Kaya venant d'une famille de constructeurs de navires, on a pensé qu'ils honoraient des commandes venues de toutes parts, y compris de pirates qui n'avaient pas toujours d'argent pour payer... mais qui possédaient peut-être des chargements entiers de porcelaines fines parmi leurs butins. Ils pouvaient donc très bien donner à la famille de Kaya de la porcelaine volée en échange d'un vaisseau. »

Les fans attentifs du manga reconnaîtront également certains vaisseaux du monde de One Piece dans les tableaux de la demeure.

Le dressing de Kaya étant apparu dans le scénario à la dernière minute, Richard Bridgland a gagné du temps en utilisant un truc vu dans une école des beaux-arts à Leningrad : presque tous les costumes ont été fabriqués en papier kraft.

Le chapiteau de Baggy a été conçu pour servir de QG mobile au pirate clown. Les panneaux sont faits de voiles « cousues de façon un peu anarchique. Les poteaux sont d'anciens mâts, et les plateformes sur lesquelles les acrobates se produisent sont en fait des nids-de-pie provenant de vaisseaux pirates », explique Richard Bridgland. Quant à l'extérieur, il ressemble intentionnellement à un navire et non à un chapiteau traditionnel. La tête de clown à l'entrée est un clin d'œil à la figure de proue du navire de Baggy dans le manga.

Arlong Park étant abondamment représenté dans le manga, Richard Bridgland et son équipe disposaient de nombreuses références pour la construction de ce décor. La pagode, le lagon et l'ensemble des lieux ont été équipés de façades évoquant un temple traditionnel, mais occupé par un fêtard qui l'aurait transformé en parc forain illuminé à la manière des enseignes de Las Vegas.

Richard Bridgland a aussi parsemé des clins d'œil dans le village de Kokoyashi : on y voit partout des cerfs-volants de papier en forme d'animaux n'existant que dans le monde de ONE PIECE, y compris le panda chauve-souris et le cochon lion.

Richard Bridgland a utilisé le Rurubu d'Eiichiro Oda comme référence, un recueil qui sert de guide de voyage au monde de ONE PIECE. Nombre des lieux créés par l'auteur pour ONE PIECE s'inspirent d'endroits réels : une pagode balinaise, une devanture de magasin florentine ou Belton House, au Royaume-Uni, pour n'en citer que quelques-uns. Les inconditionnels du manga utilisent d'ailleurs le Rurubu comme un véritable guide de voyage quand ils partent en vacances.

LES COSTUMES

Pour la créatrice des costumes Diana Cilliers (Warrior, Chappie), le défi principal était de transposer les illustrations d'Eiichiro Oda en tenues en trois dimensions, fidèles aux dessins originaux mais portables, car les acteurs devaient être à l'aise, en particulier pendant les séquences de cascades. Pour s'assurer que les couleurs et les coupes des tenues les plus emblématiques seraient fidèles aux originaux, Diana Cilliers a fait du recueil d'images One Piece Color Walk sa bible.

Diana Cilliers a supervisé environ 70 costumiers, dont des cordonniers, des modistes, des tailleurs et des acheteurs. Elle a aussi parcouru le monde pour récupérer des tissus introuvables en Afrique du Sud.

Comme bon nombre des costumes de ONE PIECE ont été adaptés, et non pas créés à partir de zéro, Diana Cilliers a choisi des textiles intéressants pour laisser sa marque sur son travail. Elle a notamment utilisé des dessus-de-lit matelassés, des kilims et des cuirs italiens pour certains costumes : « Étant donné que je voulais mettre en relief l'aspect tridimensionnel des costumes, la texture était très importante. Les dessins d'Eiichiro Oda sont merveilleux, mais il faut leur donner du mouvement et de la texture, on ne peut pas se contenter de couleurs unies. »

Le gilet rouge et le pantalon bleu de Luffy, tenue emblématique du personnage, ont été reprisés à la main pour donner l'impression qu'ils avaient déjà été bien usés avant qu'il ne se mette à les porter au quotidien.

Un modiste a cousu à la main plus de 45 chapeaux de paille pour la série. La paille a été importée du Panama, et chacun des chapeaux reflète un état d'usure particulier.

Les tissus des costumes de Sanji proviennent d'un entrepôt textile aux portes de Florence, en Italie. Il fallait que les tissus aient de la tenue, mais une fois montés, les costumes ne devaient pas entraver les mouvements pendant les cascades de Taz Skylar. Les bagues portées par l'acteur ont été créées par un bijoutier à Londres.

Pour les tenues des soldats de la Marine et du vice-amiral Garp, Diana Cilliers voulait refléter l'autorité, « sans pour autant leur donner l'air de militaires méchants ou durs », dit-elle. « Je les voulais stylés et majestueux, alors je me suis inspirée de photos de forces armées à travers les âges, surtout aux époques où on portait des capes. »

PROTHÈSES ET EFFETS SPÉCIAUX DE MAQUILLAGE

D'après le maquilleur prothésiste Jaco Snyman (MAD MAX: FURY ROAD, DISTRICT 9), éviter l’usage systématique des images de synthèse, chaque fois que cela était possible, a permis de recréer quelques-uns des aspects les plus loufoques de ONE PIECE, tout en donnant aux acteurs l'occasion de s'immerger dans un monde unique en son genre : « Au lieu de passer par des personnages en images de synthèse, comme cela se fait dans d'autres séries, nous avons créé des prothèses grâce auxquelles les acteurs ont pu vivre avec leurs personnages, sans dénaturer la vision d'Oda. »

Ce sont les interprètes d'Arlong, de Kuroobi et de Smack qui ont passé le plus d'heures au maquillage (entre 3 et 5 heures) pour entrer dans la peau de leurs personnages. En revanche, déterminer leur apparence en amont a été plus rapide que ça ne l'est en temps normal. Jaco Snyman a conçu leurs looks à l'ordinateur après avoir réalisé des modèles numériques des acteurs en 3D, puis il a imprimé des moules de chaque élément, le tout en deux semaines à peine : « Ça a considérablement accéléré le workflow et nous a permis de réaliser des prototypes bien plus précis. On testait les choses sans attendre, et si ça ne marchait pas, on pouvait modifier les fichiers numériques en un clin d'œil, corriger ce qui devait l'être, puis réimprimer les moules. Un ou deux jours après, les nouvelles prothèses étaient prêtes, et on pouvait les tester à nouveau. Quand on était contents du look, il ne restait plus qu'à imprimer deux ou trois séries de moules, puis à mouler trois ou quatre pièces en même temps. Et quand il y avait de la casse, il suffisait de réimprimer la pièce ! » Pour ses travaux, Jaco Snyman s'est servi de cinq imprimantes 3D résine et de dix imprimantes 3D plastique.

La forme et la texture du nez de Baggy ont connu plusieurs itérations. L'effet recherché était celui d'un gros nez rouge de clown, mais qui devait sembler faire réellement partie de son visage. Jaco Snyman et son équipe ont fabriqué une prothèse qui ressemblait à un nez protubérant de clown, mais dont la texture était celle de la peau.

Le moulage en silicone de la tête de Baggy ( à taille réelle) qui a été réalisé pour la série trône désormais chez Jaco Snyman (les invités qui dormiront dans sa chambre d'amis sont prévenus).

Quatre escargophones animatroniques gros comme des chats ont été créés pour la série : « Cela nous a donné l'opportunité de fabriquer des marionnettes, c'était cool et nous nous sommes régalés. On pouvait faire plier et pivoter les antennes des escargots à l'aide d'un appareil animatronique raccordé à l'intérieur des marionnettes. Ils avaient aussi des globes oculaires détachables pour que l'on puisse jouer avec leurs expressions et donner un peu de mouvement à leur visage. Par exemple, quand ils dorment, leurs petites antennes s'affaissent. Qu'est-ce qu'on s'est amusés avec ça ! »

L'équipe s'est aussi débrouillée pour que les escargots ressemblent à leurs propriétaires respectifs. Celui de Garp, par exemple, a de belles dents blanches et porte une barbe. « On ne voulait pas contourner les éléments bizarroïdes qui existent dans ce monde. On dit simplement aux spectateurs que, dans cet univers, les téléphones sont des escargots, et voilà. Il suffit de l'accepter », dit le coshowrunner Matt Owens.

LES CASCADES

Le coordinateur de cascades Franz Spilhaus (SHAMSHERA, COMMANDO 2) a travaillé avec le maître du sabre Koji Kawamoto pour chorégraphier toutes les scènes de Mackenyu. L'acteur, qui pratique le sabre et les arts martiaux depuis toujours, a assimilé sans difficulté toute la chorégraphie et le travail avec harnais en quelques heures.

Toutes les épées, des katanas de Zoro à l'épée longue de 2,40 m de Mihawk, ont été fabriquées en fibre de carbone, un matériau choisi pour sa légèreté, et montées sur des manches en mousse, afin de permettre aux acteurs de les manier à la vitesse de l'éclair.

Le plus gros défi pour Jaco Snyman a été de concevoir des séquences pour les acteurs équipés de prothèses : « Certains des masques limitaient sérieusement la vision des acteurs et compliquaient les combats. En plus, ils portaient des prothèses de gants qui les empêchaient de bien tenir leurs armes. On était au milieu de l'hiver, il devait faire dans les 10 degrés, et les cascadeurs devaient sauter dans l'eau qui était encore plus froide. Ils ont vraiment mérité leur cachet ces jours-là ! » Bookmark and Share


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