L’Alsace fantastique : Nos conseils de voyage, sur la piste des artistes et artisans de l’imaginaire - 1ère partie
Article Spectacles du Vendredi 08 Septembre 2023

Par Pascal Pinteau

Une fois n’est pas coutume, je dois commencer cet article par un aveu : il m’est impossible de vous parler de l’Alsace de manière impartiale. Ma mère y était née et pour elle, c’était la plus belle région du monde, un point c’est tout. Et le fait qu’elle n’ait voyagé qu’en Italie et en Allemagne pendant toute sa vie ne changeait rien au fait que ce n’était pas contestable et qu’elle avait raison. Mon père venait aussi d’un beau terroir, la Bourgogne, mais ne la contredisait jamais sur ce sujet. C’était plus prudent. Je garde de merveilleux souvenirs d’enfance de nos vacances d’été dans les environs de Colmar, la vallée de Munster, Turckheim, et les superbes villages de la route des vins. Mon père et moi faisions de longues balades sur les sentiers de montagne, abrités du soleil par les grandes silhouettes des hêtres et des sapins. La fraîcheur de ces sous-bois verdoyants, aux sols moussus souvent traversés de petits ruisseaux glougloutants, était un délice.

Voilà, c’est dit. J’adore l’Alsace depuis toujours, et quand j’ai le plaisir d’y retourner, elle ne me déçoit jamais. Bien au contraire, j’en découvre toujours de nouvelles facettes, des lieux que je n’avais pas encore eu l’occasion de visiter, et c’est formidable.

Effets-speciaux.info est un site où nous prenons plaisir à partager nos passions, et c’est dans cet esprit que je vous propose ce voyage en Alsace, sur le thème du fantastique et des créateurs de l’imaginaire.

Je tiens à préciser que cet article n’a été sponsorisé par aucun organisme de tourisme ni aucun hôtel, restaurant ou commerce, et que tout ce que j’y raconte est sincère, et le fruit de mes expériences de voyages.

L’Alsace, culte en Asie

Savez-vous que l’Alsace fait partie de la pop culture, en Chine comme au Japon ? Ses fameuses maisons à colombages aux balcons toujours impeccablement fleuris ont été vus dans de nombreux programmes de télévision, et notamment une émission documentaire chinoise consacrée à la gastronomie, CHINESE RESTAURANT qui y a été filmée. « Ce tournage nous a offert dix ans de publicité gratuite dans le pays le plus peuplé du monde », a déclaré Olivia Gobilliard-Schreck, la chargée de communication de l'office de tourisme de Colmar, interrogée par le journal Le Parisien. Depuis, des visiteurs Chinois de plus en plus nombreux arpentent les rues de la ville, et notamment le superbe quartier de « La petite Venise » où l’émission a été filmée, et dont nous allons reparler.

L’histoire d’amour entre le Japon et l’Alsace, elle, a débuté en 1863. La ville de Mulhouse était alors le centre européen des industries du textile, et les commerçants japonais s’intéressaient à ces méthodes industrielles dont ils ne disposaient pas encore dans leur pays. Ils ont passé des commandes de tissus en mousseline de laine à la manufacture Thierry-Mieg, afin de fabriquer des kimonos et des sous-vêtements pour l’hiver. La première cargaison arriva à destination par bateau en 1864. Par la suite, d’autres manufactures du Haut-Rhin ont travaillé pour le marché japonais. « C’est important aussi dans le domaine de l’art, car ces échanges ont permis à l’Europe de découvrir les formes et motifs japonais (par le biais de ces tissus,NDLR). Cela a engendré une floraison de modes nippones, et c’est aussi de là qu’ont émergé des mouvements comme l’impressionnisme » raconte le président du Centre européen d’études japonaises, André Klein. En 1982, le Comité d’action du Haut-Rhin, qu’il dirige également, installe une représentation de l’Alsace à Tokyo. Des liens sont créés ensuite avec plusieurs entreprises japonaises, qui vont choisir l’Alsace pour leurs implantations européennes : Sony, Ricoh, Sharp, THK…Tout cela conduit à la création d’un département d’études japonaises à l’université Marc-Bloch de Strasbourg en 1991, puis du lycée Seijo à Kientzheim en 1986, afin de recevoir les enfants des cadres japonais envoyés en mission dans la région. Après la crise économique des années 2000, les entreprises japonaises ont pris la décision de rester. Et Mitsubishi Heavy Industry s’est implanté à Mulhouse en 2005, avec une extension en 2010. Le département de japonais à Strasbourg accueille chaque année 400 étudiants. Le japonais est la troisième langue étrangère enseignée en Alsace, après l’anglais et l’allemand, et le nombre de nuitées de touristes japonais en Alsace est en constante progression.

Quand Edgar le roi de la cambriole / Lupin the Third, se cache en Alsace

Parmi ces touristes japonais, il y a un personnage mondialement connu : Lupin the Third, le petit-fils d’Arsène Lupin, créé par le mangaka Monkey Punch. Si nous le connaissons en France sous le nom d’Edgar, le détective Cambrioleur, c’est parce que les ayant-droits de l’auteur d’Arsène Lupin, Maurice Leblanc, avaient demandé à Monkey Punch de le faire pour ne pas créer de confusion avec l’oeuvre originale, une requête raisonnable puisqu’ils ne se sont pas opposés à l’exploitation de la série dans notre pays. Rappelons que les deux amis er complices de Lupin III sont le tireur d’élite Daisuke Jigen et le samouraï Goemon Isikawa XIII, descendant d’un célèbre voleur nippon. Tout en menant leurs aventures mouvementées, souvent sur la piste de trésors ou d’objets aux pouvoirs surnaturels, ils sont poursuivis par l’inspecteur Zenigata, qui a dédié sa vie à la capture de Lupin. On voit ces personnages iconiques séjourner en Alsace dans le premier épisode de la cinquième saison de la série animée, dans l’arc narratif intitulé LA FILLE DE LA TOUR SOUS-MARINE. Ils se cachent dans une maison à colombage, et se promènent – en portant des masques souples pour ne pas être retrouvés par Zenigata – dans des décors qui reproduisent des vues de La Petite Venise de Colmar et du quartier de La Petite France de Strasbourg ! Mais Lupin III et ses amis ne sont pas les seuls personnages japonais que l’on a pu voir évoluer dans des décors alsaciens, loin de là !

Hayao Miyazaki, fan de Colmar et de Riquewihr

A l’occasion de la sortie française de son film LE VOYAGE DE CHIHIRO en 2002, Hayao Miyazaki, suivant les conseils de son ami Isao Takahata, décide de profiter de sa tournée de promotion en Europe pour se rendre en Alsace (il avait d’ailleurs déjà exploité quelques références visuelles de Riquewihr pour la création de décors de KIKI LA PETITE SORCIÈRE en 1989). Cette visite porte ses fruits : la légende vivante de l’animation nippone tombe sous le charme de Colmar et de Riquewihr. Émerveillé par cette découverte, il décide d’implanter la boutique de Sophie, l’héroïne de son film en préparation, LE CHÂTEAU AMBULANT, dans une bourgade qui va amalgamer des vues des deux cités alsaciennes. Miyazaki revient donc en septembre 2002 en Alsace avec une partie de son équipe chargée de la réalisation des environnements du film, pour y prendre des photos et y dessiner des esquisses. Plusieurs bâtiments majeurs de Colmar vont ainsi être soigneusement reproduits et intégrés aux décors du film, qui sort en salles en 2004. Le carnet de photos et de croquis réalisés par Miyazaki au cours de ce voyage de repérages en Alsace est d’ailleurs exposé au musée du studio Ghibli situé sur le terrain du parc d'Inokashira à Mitaka, dans la banlieue de Tokyo.

L’Alsace dans le Manga LES GOUTTES DE DIEU

Le travail des vignerons alsaciens est à l’honneur dans le manga LES GOUTTES DE DIEU écrit par Tadashi Agi et dessiné par Shu Okimoto. Dans cette histoire, deux frères tentent chacun de résoudre douze énigmes concernant le vin, afin de découvrir une treizième bouteille entourée de mystère. Dans le tome 35, les vins d'Alsace sont évoqués dans quatre chapitres et sept bouteilles directement citées, dont une bouteille de Crémant d’Alsace cuvée Manekineko du vigneron Clément Klur. C'est une cuvée dont l'essentiel des 5.000 bouteilles est destiné au Japon. Elle est dotée d’une étiquette spéciale, ornée d’un chat qui lève la patte, symbole porte-bonheur des commerçants au Japon. « C'est un vin produit en biodynamie, et les Japonais y sont très sensibles » indique Clément Klur, ravi de ce bel hommage à son travail.

La petite Venise à Colmar

Ce quartier traditionnel n’est pas évident à trouver : on peut traverser Colmar en voiture sans le voir ni même se douter qu’il existe ! Une bonne option consiste à se garer avenue Rapp, et à faire le reste du chemin à pied. Dans la partie la plus pittoresque de la petite Venise se trouve un marché couvert où l’on peut trouver tous les délicieux produits régionaux, et les déguster au bord du canal (mais il n’y a que quelques tables disponibles, donc prévoyez un peu d’attente si vous voulez vous y installer). C’est à 500 mètres de là que se trouve le pont qui permet d’apprécier la vue iconique du quartier lacustre, celle reproduite notamment dans les aventures de Lupin III. Sur le côté gauche de la rive se trouve le restaurant Les Bateliers. Dans un quartier si connu et au cœur de cet environnement idyllique souvent représenté sur les cartes postales, on pourrait craindre qu’il s’agisse d’un piège à touristes très coûteux. Eh bien pas du tout ! L’accueil y est très agréable, la nourriture traditionnelle excellente, les portions généreuses et les tarifs raisonnables. C’est d’ailleurs une habitude en Alsace, où l’on trouve partout des hôtels et restaurants au rapport qualité / prix remarquable. Attention, si vous voulez déjeuner sur la terrasse, juste au bord de l’eau, le seul moyen consiste à venir sur place à l’avance, au moins à 11h30 avant l’ouverture du premier service de midi, et de patienter dans la file d’attente, car l’établissement ne prend pas de réservations. Mais cela en vaut largement la peine, pour profiter de cette vue incroyable et passer un si bon moment. Les horaires des autres services sont 14h30 – 18h30 – 21h00, et nous vous recommandons d’arriver encore un peu plus tôt en soirée pour réussir à obtenir ces tables très convoitées. Pour profiter du quartier, vous pouvez aussi vous inscrire pour une balade en barque qui vous permettra d’admirer le paysage au fil de l’eau tout en écoutant les explications érudites du guide.

Eguisheim, l’incroyable village digne d’un conte de fée

Élu « village préféré des français » en 2013, Eguisheim est l’un des villages alsaciens dont la visite est absolument incontournable. Vous pouvez le découvrir en arpentant deux cercles parallèles de rues, aux maisons traditionnelles parfaitement conservées. Et là, l’impression de se trouver dans un univers imaginaire est sidérante, tant ces magnifiques ruelles semblent sorties d’illustrations de contes de fées ! Parfois, on se croit aussi plongé dans une scène du SEIGNEUR DES ANNEAUX, en passant devant des portes qui semblent minuscules, juchées au sommet d’escaliers de cinq ou six marches, comme si des Hobbits habitaient là ! Mais si l’on gravit ces marches, on se rend compte qu’il ne s’agit que d’une illusion d’optique : contrairement à ce que l’on pourrait croire, la hauteur de ces entrées est tout à fait normale !

Pour un séjour sur place, nous vous recommandons l’Hôtel des 3 châteaux, situé 26 grande rue, à 500 mètres des deux circuits de ruelles qui font le tour du village. Les chambres y sont confortables et bien équipées, les prix modérés, et le petit déjeuner copieux. Pour déjeuner ou dîner pendant votre visite des ruelles du double cercle, nous vous conseillons L’Assiette d’Eguisheim, 59, rue du rempart, qui vous proposera les incontournables de la gastronomie alsacienne et les vins du cru dans une ambiance décontractée. Et après une bonne marche, déguster une assiette de palette fumée avec une salade de pommes de terres tièdes arrosée d’un verre de Gewurtztraminer, c’est revigorant et délectable !

Une cigogne déposera bientôt dans les pages d’ESI la suite de notre dossier dédié à l’Alsace. Bookmark and Share


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