LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 : Entretien avec le scénariste et réalisateur James Gunn – 2ème partie
Article Cinéma du Mardi 02 Mai 2023

Aviez-vous planifié toute l’arche narrative du personnage de Kraglin dès le début de la saga ?

Pas vraiment. Dans l’ébauche initiale du scénario du premier film, Kraglin venait d’être nommé second de l’équipage de Yondu, mais il agissait comme un type sournois et méchant. Dans le « Vol. 2 », il y a ce moment où Kraglin trahit Yondu, puis toute son évolution au cours de cette aventure jusqu’au moment qu’il partage avec Peter Quill, que je trouve magnifique, car il s’agit vraiment de l’histoire du fils prodigue. Quill est le fils prodigue, le fils préféré, celui que Yondu aime. Il était donc important de donner à Kraglin l’occasion de vivre ce moment, et de l’accepter en tant que fils spirituel de Yondu. C’est ce qui lui permet de se racheter pleinement.

Dans ce film, il y a une dynamique intéressante entre Kraglin et Cosmo, la chienne russe qui a été cobaye de l’espace, et que le Collectionneur avait capturée…

J’ai toujours voulu intégrer Cosmo dans une histoire, mais je ne savais pas comment procéder. Voir Cosmo dans le Vol. 3 était naturel parce que les Gardiens ont racheté Knowhere au Collectionneur, et que Cosmo était là depuis le premier film. La transformer en un vrai personnage impliqué dans l’action était donc important et intéressant. Comme Cosmo et Kraglin ne partent pas en mission avec les autres, il était logique qu’ils deviennent des amis ou les meilleurs adversaires au monde, si l’on peut dire, lorsqu’ils restent seuls sur Knowhere.

Pourquoi avez-vous demandé à Maria Bakalova de prêter sa voix à Cosmo en version originale ?

Nous avons fait de longues recherches et auditionné de nombreuses actrices pour dire les dialogues de Cosmo. Maria a parfaitement compris ce que je voulais faire avec ce personnage. Maria est toujours douce, de bonne humeur, et exprime volontiers ses émotions. Elle est aussi très exubérante, très excitée dans les moments de joie. Maria a probablement passé autant de temps que tous les autres acteurs sur le tournage de ce film, même si elle n’a tourné que pendant un certain nombre de jours. Elle était présente tous les matins et s’asseyait à côté de moi pendant que nous tournions. Elle observait tout ce qui se passait jusqu’au soir, et s’impliquait toujours dans le processus. Elle est une grande fan des Gardiens, et elle a naturellement en elle beaucoup des plus belles qualités que nous admirons et aimons chez nos amis les chiens.

Comment avez-vous choisi la race de chien afin qu’elle corresponde bien au personnage de Cosmo ?

Je voulais que Cosmo pense et agisse comme une véritable chienne, et ne semble surtout pas être une humaine prisonnière d’un corps d’animal. Cosmo est un personnage très amusant qui aime faire tout ce que les chiens font habituellement : jouer, aller chercher la baballe, quémander et obtenir des friandises, mais elle est également intelligente et très équilibrée. Je savais que je voulais une golden retriever ou une golden labrador. Il y avait donc une golden retriever sur le plateau. Elle est nommée Slate et était notre chienne de référence, mais en fait on ne la voit jamais dans le film, parce que Cosmo est entièrement réalisée et animée en 3D, grâce au formidable travail qui a été accompli principalement par le studio FrameStore. Slate était notre fidèle toutou sur le plateau, et c’était génial et très amusant de profiter de sa présence.

Avez-vous eu l’occasion de parler à Bradley Cooper, qui prête sa voix à Rocket en version originale, avant d’entamer la production de ce volume 3 ?

Je ne révèle pas aux acteurs ce qui se passe dans l’histoire avant que le script ne soit totalement terminé. Mais une fois que c’était fait, j’ai expliqué à Bradley ce qui se passait et de quoi l’histoire parlait. Il s’est totalement investi tout au long de ce processus pour s’assurer que l’interprétation de chacune de ses répliques correspondait exactement à ce qu’il fallait exprimer. Il donnait le meilleur de lui-même dans chacune de ses performances pour que tout fonctionne bien dans le film.

Il y a plusieurs moments de bravoure très réussis avec Groot dans ce film. Comment les avez-vous abordés ?

Groot peut faire beaucoup de choses avec son corps, et nous nous sommes amusés à imaginer toutes sortes de permutations avec ses membres et sa tête. Concrètement, cela entraîne des dépenses, parce que chaque fois que l’on veut animer une version différente de Groot, il faut d’abord modéliser en 3D cette nouvelle apparence du personnage. C’est un travail lent et minutieux, et donc un budget supplémentaire à prévoir pour aboutir à l’animation de ces gags additionnels. Il fallait donc que je choisisse bien ces moments d’action particuliers de Groot, et que je m’engage à ce que le résultat final soit vraiment surprenant et spectaculaire, afin de justifier ces dépenses.

Parlez-nous de Chukwudi Iwuji et de ce qu’il apporte au rôle du Haut Évolutionnaire…

Le Haut Évolutionnaire fonctionne très bien parce que Chuk est excellent dans ce rôle. Il est tellement charismatique. On aime l’entendre parler et le voir agir, mais en même temps, on le déteste. Je pense que c’est ce qui est intéressant à propos du Haut Évolutionnaire dans ce film. Les gens veulent souvent que les méchants se lancent dans de mauvaises actions sans raison particulière, comme s’il était parfaitement normal de vouloir envahir le monde ou de détruire l’univers. Je crois que c’est beaucoup plus intéressant de connaître les motivations d’un méchant, et de commencer à le comprendre, tout en continuant à le détester. Pour ne rien vous cacher, plusieurs grands acteurs souhaitaient incarner le Haut Évolutionnaire, mais comme j’avais déjà travaillé avec Chuk sur la série PEACEMAKER, j’ai pu me rendre compte qu’il est l’un des meilleurs acteurs avec lesquels j’ai jamais travaillé. J’ai donc écrit à Kevin Feige, le PDG des Studios Marvel, pour lui dire que je pensais que nous devrions tester Chuk avant de prendre une décision définitive. Kevin était d’accord, et nous avons donc tourné une scène-test avec Chuk jouant le Haut Évolutionnaire. C’était le moment où il laisse éclater sa colère contre Rocket, en lui hurlant qu’il a compris à quel point il était intelligent. Et Chuk a été époustouflant. Nous avons envoyé ces images à la direction de Marvel, et ils ont été immédiatement d’accord pour l’embaucher. C’est le seul acteur qui ait jamais auditionné pour ce rôle.

Parlez-nous de Will Poulter, qui incarne Adam Warlock…

Will, grâce à ses talents d’acteur, peut projeter le caractère enfantin dont nous avions besoin pour donner vie à Adam Warlock. Dans notre aventure, Adam Warlock fait partie du peuple Souverain qui a été créé par le Haut Évolutionnaire, mais on l’a sorti trop tôt sorti de son cocon, et mentalement, il est encore un enfant alors que son corps est celui d’un adulte. Il n’a pas encore mûri, et cette caractéristique est l’un des aspects les plus importants d’Adam Warlock : il ne comprend pas les nuances du monde qui l’entoure et la manière dont les relations humaines fonctionnent. Il n’a même pas de véritable notion de ce qu’est la mort, et doit encore apprendre ces choses basiques de la vie. Dans ce récit, on assiste à son passage à l’âge adulte, en quelque sorte.

Les effets spéciaux de maquillage du film sont excellents…

Oui, et d’ailleurs, on a fabriqué et posé plus de prothèses pour ce film que dans n’importe quelle autre production de l’histoire du cinéma ! Nous avions des centaines d’acteurs jouant ce que nous appelons des humanimaux dans les scènes qui se déroulent sur la Contre-Terre.

Pourquoi avez-vous décidé de recourir à autant de maquillages concrets ?

Je suis convaincu que l’on peut réaliser énormément de choses en images de synthèse, mais là, il s’agissait de créer un bon équilibre entre les effets virtuels et les trucages concrets pour faciliter le tournage, vous permettre de voir ce que vous faites sur le plateau, et rendre les scènes les plus crédibles possibles. Je ne pense pas que greffer des têtes 3D sur 500 acteurs et figurants aurait bien fonctionné dans les scènes avec les humanimaux… Nous avions besoin de filmer cela concrètement, même si nous avons ajouté quelques éléments numériques à certains maquillages, comme l’animation des yeux et des paupières.

Parlez-nous de la logistique qu’il a fallu mettre en place pour réaliser les maquillages de tous les humanimaux…

Ce travail a été réalisé par une énorme équipe de maquillage, dirigée par Alexei Dmitriev et par le studio Legacy Effects. Pour créer tous ces personnages, nous les avons divisés en catégories A, B et C. Dans la catégorie A, il y avait les maquillages les plus détaillés, qui allaient être les personnages principaux vus au premier plan dans les scènes. Le groupe B était destiné à être au second plan, un peu plus loin, ou à apparaître très brièvement. La catégorie C était celle des figurants placés les plus loin, et il s’agissait de simples masques souples qu’ils enfilaient comme des cagoules. Nous les positionnions à l’arrière-plan. Pour toutes ces raisons, les plans dans lesquels apparaissaient les humanimaux ont été planifiées très soigneusement.

Parlez-nous de la conception de la grande scène de combat...

Au cours d’une telle aventure, on a envie de voir tous les Gardiens combattre ensemble en même temps. Cependant, le thème récurrent de cette saga est celui des aléas du groupe, qui est parfois divisé, séparé, mais finit par se réunir. En général, nous trouvons toujours le moyen de leur réserver un grand moment où on les voit affronter leurs ennemis en formant une équipe soudée, et montrer ainsi qu’ils sont capables d’agir à l’unisson. La scène à laquelle vous faites allusion a été conçue principalement par Wayne Dalglish, l’un de nos coordonnateurs des cascades. Nous avions déjà collaboré sur la série PEACEMAKER. Wayne a mis tout son cœur dans la conception de cette séquence et a accompli un travail phénoménal. Il était sans aucun doute l’un de mes lieutenants les plus fiables sur le film.

Vous utilisez très efficacement le traitement du cadrage et les déplacements de caméra dans ce film…

Oui, à mille pour cent ! Une séquence d’action ne consiste pas seulement à capter le déroulement d’un affrontement. Dans beaucoup de films, ces scènes sont traitées comme si le seul sujet était la cascade ou l’effet ou la chorégraphie du combat qui a lieu devant la caméra. Cela concerne effectivement tout ça, mais ce qui rend une scène d’action vraiment géniale c’est la chorégraphie entre les acteurs et la caméra qui bouge avec eux. Se contenter de filmer les moments-clés et les découper pour faire boom boom boom n’est pas très satisfaisant. Il faut créer une danse qui englobe toutes ces choses en même temps. Parvenir à ce résultat est extrêmement important à mes yeux. C’est la manière dont nous avons filmé cette scène qui lui donne un rendu si viscéral.

La musique joue un rôle très important dans la trilogie, et tout particulièrement dans ce volume 3…

Choisir les chansons pour ce film a été un exercice très difficile pour moi. Je n’ai jamais eu totalement confiance en ma playlist avant que les projections-tests aient lieu et que je puisse constater que les gens réagissaient très bien. Auparavant, j’ai souvent changé la sélection musicale qui accompagnait le script. Comme les personnages disposent du Zune, le lecteur de fichiers musicaux récupéré par Peter Quill à la fin du deuxième film, j’aurais pu m’en tenir à la musique des années 70 comme dans les deux premiers volets. Ou passer seulement aux années 80 ou 90, notamment parce qu’il y a eu beaucoup de bonnes chansons pop anglaises aux thèmes spatiaux dans les années 90. En fin de compte, j’ai décidé que j’allais utiliser un mélange de différents types de musique, en espérant que le résultat final serait harmonieux.

Avez-vous l’impression d’avoir évolué en tant que cinéaste, grâce à cette trilogie ?

J’ai beaucoup appris. Ce film incorpore des éléments de mes premiers films à petit budget et les combine avec des choses que j’ai apprises en réalisant des superproductions, dans le but d’aboutir à une narration visuelle cohérente. J’ai toujours très bien préparé mon travail avant d’arriver sur un plateau. Je pense que les gens seraient surpris et peut-être même déroutés en découvrant tout ce que j’avais planifié sur un petit film comme SUPER, qui semble improvisé et assez bavard quand on le découvre. Chaque petit mouvement de la caméra avait pourtant été prévu dans les moindres détails ! Je pense que ce Vol. 3 des GARDIENS est le film le plus décontracté que j’ai jamais fait. J’ai commencé à m’amuser de cette manière en dirigeant THE SUICIDE SQUAD. Je peux dire que je n’ai jamais pris du plaisir à tourner un film avant SUICIDE SQUAD , puis celui-ci, parce que j’étais beaucoup trop tendu et concentré. Pendant SUICIDE SQUAD, je me suis autorisé pour première fois à rechercher aussi la magie de l’instant, après avoir bien planifié tous les aspects du tournage. Ça a rendu mon l’expérience de la réalisation beaucoup plus amusante, et je pense que cela se ressent quand on voit ce film. Les petits moments inattendus qui surgissent dans l’interprétation des acteurs, et au cours des prises de vues, tout cela contribue à rendre la narration plus vivante que dans mes films précédents. Je voulais juste créer le film le plus cool que je sois capable de faire. C’est tout. Je ne reste pas assis pendant des heures à réfléchir et à me demander si ce que l’on va faire sera bien accueilli par les spectateurs ou pas. J’essaie de créer le meilleur film possible, en le rendant fluide et élégant. Élégant est le mot que j’utilise le plus. En le filmant, en l’écrivant et pendant le montage, il faut de l’élégance. Diriger ce film a été gratifiant pour moi, parce que son message est une déclaration très personnelle et parce que Rocket c’est moi. Voir les spectateurs réagir aussi bien qu’ils l’ont fait jusqu’à présent est un sentiment merveilleux

L’atmosphère sur le plateau était-elle un peu douce-amère, puisque tous les acteurs savaient que c’était la fin de la trilogie ?

Je dirais surtout doux. C’était triste mais chaleureux, et surtout magnifique. Les gens ont fait des discours le dernier jour du tournage. Zoe m’a fait sangloter, Chris m’a fait pleurer et Sean aussi. C’était génial. Nous sommes devenus une vraie famille. Le bon côté des choses, c’est que je retravaillerai avec chacune de ces personnes sur différents projets et/ou parties de projets. C’est une certitude. Ce sont tous des gens avec lesquels je veux cheminer dans ma vie personnelle en tant qu’amis, et que je veux aussi garder à mes côtés au cours de ma carrière, en tant que collaborateurs.

A présent que le film est achevé et que vous avez constaté les réactions des spectateurs, pensez-vous qu’il s’agit de la meilleure manière de conclure la trilogie ?

C’est au public d’en juger, mais je crois que cela fonctionne aussi bien que possible en fin de compte, et que les spectateurs apprécient la manière dont l’histoire de chacun de ces personnages s’achève dans ce film. Je suis très reconnaissant d’avoir pu vivre cette expérience et tout particulièrement d’avoir pu travailler avec ces acteurs, bien sûr. Tout le monde sait que nous nous entendons bien. Je n’oublie pas les équipes techniques et artistiques qui ont été fantastiques elles aussi — tous nos adjoints à la direction, notre chef décorateur Charlie Wood et nos coordonnateurs de combat. C’était tout simplement formidable.

Découvrez prochainement sur ESI la suite de notre dossier consacré aux GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3. Bookmark and Share


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