OBI-WAN KENOBI : Entretien avec Deborah Chow, réalisatrice – 2ème partie
Article Cinéma du Mardi 07 Juin 2022

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Selon vous, pourquoi l’univers de STAR WARS suscite-t-il toujours autant de passion dans les publics féminins et masculins, et depuis si longtemps ?

Je pense que STAR WARS nous présente une galaxie si vaste et globalement si accueillante que chacun peut s’y retrouver et s’identifier aux personnages qui y vivent. Il y a des milliers de systèmes solaires, des planètes aux caractéristiques très variées, et dès le début, STAR WARS a traité le thème de l’inclusion, des gens complètement différents qui s’unissent pour protéger leurs valeurs et leur liberté, ce qui est un merveilleux message. C’est un univers qui exprime toujours la notion d’espérance, et qui nous rappelle que même pendant les périodes les plus sombres, il ne fait pas renoncer à se défendre et à agir. Il s’agit là de thèmes éternels qui résonnent encore aujourd’hui dans l’esprit des gens.

Dans les premières images de la série que vous avez révélées, on voit Obi-Wan observer grâce à des jumelles le tout jeune Luke Skywalker, qui doit avoir à peu près 8 ans à cette époque, et qui vit dans la ferme de son oncle et de sa tante. Le voit-on beaucoup dans la série ? Et comment avez-vous travaillé ce rôle avec Grant Feely qui l’incarne ?

Eh bien, il vous faudra attendre un peu avant de le découvrir ! Luke est bien évidemment l’une des relations les plus importantes d’Obi-Wan dans sa vie, et vous vous souvenez sans doute qu’il a été chargé de veiller sur cet enfant à la fin de LA REVANCHE DES SITHS. C’est donc forcément le point de départ de notre série, et c’est à partir de là, de cette mission qu’Obi-Wan doit mener à bien, que tout le reste va se développer…

Pouvez-vous parler du processus qui vous a amené à faire revenir Dark Vador dans la série ? Y a-t-il eu des opinions opposées à cela pendant le développement des épisodes, en raison de l’énorme importance de ce personnage, et des éventuels inconvénients que cela pourrait présenter ?

C’était bien sûr une question capitale que nous nous sommes posés d’emblée et dont nous avons longuement débattu, car il n’était pas possible de prendre une telle décision à la légère. Mais en choisissant de nous focaliser sur Obi-Wan et sur le point de départ de sa mission, il nous a semblé naturel de montrer aussi les autres personnages qui ont eu un impact déterminant sur sa vie. Et parmi eux, il y a forcément Dark Vador / Anakin, dont la chute du côté obscur l’affecte encore profondément. Anakin est son plus grand échec. Et comme Vador joue aussi un rôle majeur dans l’épisode IV, il nous a semblé indispensable qu’il apparaisse dans la série. Cette décision est venue à nouveau de la volonté de nous consacrer à tout ce qui touche directement notre personnage principal. Nous avions absolument besoin de Vador pour bien raconter son histoire.

Dans LE MANDALORIEN et dans LE LIVRE DE BOBA FETT, l’influence visuelle principale provenait des westerns. Avez-vous puisé davantage dans un autre registre cinématographique en développant OBI-WAN KENOBI ?

Visuellement, ce qui m’intéressait le plus en me focalisant sur le personnage d’Obi-Wan, c’était de rester fidèle à son héritage narratif, tout en l’entraînant dans de nouvelles directions, comme cela a été fait avec Wolverine dans LOGAN ou avec le Joker dans le film éponyme avec Joachim Phoenix, parce qu’ils étaient présentés dans un contexte différent de celui de la continuité des franchises X-Men et Batman. J’ai repensé à ce qui marchait si bien dans ces deux films. Concernant les autres références, comme STAR WARS s’inspire à la fois des westerns et des films de samouraïs - notamment des chefs d’oeuvres d’Akira Kurosawa – je me suis replongée dans ce genre-là, parce que le contexte particulier de la série, cette période pendant laquelle tous les Jedi sont en fuite et doivent se cacher pour survivre tout en agissant selon leur code d’honneur, lui correspondait particulièrement bien. J’ai revu aussi certains westerns, mais moins nombreux. Ceux que j’ai eu envie de consulter étaient les évocations les plus poétiques et âpres de l’Ouest, comme L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD, ou THE PROPOSITION, qui se déroule en Australie. J’aime ce que l’on ressent en les visionnant. Ils m’ont aidée pendant que nous explorions en profondeur la psyché d’Obi-Wan.

Vous avez collaboré étroitement avec Jon Favreau et Dave Filoni quand vous avez réalisé deux épisodes du MANDALORIEN. Qu’avez-vous appris à ce moment-là sur les valeurs et les éléments narratifs essentiels de STAR WARS, et comment avez-vous employé tout cela en mettant en scène les épisodes d’OBI WAN KENOBI ?

Franchement, je dois dire que j’aurais été absolument incapable de réaliser Obi-Wan Kenobi si je n’avais pas travaillé auparavant sur LE MANDALORIEN. Quand je me suis préparée à diriger ces épisodes du MANDALORIEN, j’ai dû assimiler de nombreuses choses en même temps. Je me suis d’abord immergée dans la continuité narrative de la saga STAR WARS pour la mémoriser. J’ai étudié les différentes facettes de ses thèmes dans toute leur profondeur et leur complexité ainsi que les parcours de ses personnages, parce que c’était indispensable de bien les comprendre avant de mettre en scène les protagonistes de ces histoires. J’ai dû apprendre aussi à travailler avec les gens qui jouent les extraterrestres en portant des costumes ou qui les manipulent lorsqu’il s’agit de marionnettes animatroniques comme Grogu. Il fallait les diriger de manière efficace pour que tout semble naturel et conforme à l’atmosphère de STAR WARS. Et dans un autre registre, j’ai appris à me servir du studio StageCraft et de cette technologie révolutionnaire qui venait à peine d’être inventée à l’époque. Vivre cette expérience unique, avoir l’opportunité d’apprendre à utiliser StageCraft et de comprendre son potentiel a été un tournant de ma carrière, et m’a permis d’être prête à aborder sereinement le projet OBI-WAN.

Dans ce nouveau projet, vous saviez cependant que vous alliez devoir diriger Ewan McGregor et Hayden Christensen qui avaient déjà incarné leurs personnages dans plusieurs films et les connaissaient donc parfaitement. Était-ce un défi à relever pour vous ?

Oui, c’était indéniablement une difficulté supplémentaire car il fallait que je tienne compte de l’héritage de ces personnages dans la saga, et de l’expérience d’Ewan et de Hayden. Mais tout s’est merveilleusement bien passé avec eux. Non seulement ils ont été extrêmement agréables, mais pour moi, après avoir travaillé sur LE MANDALORIEN c’était un vrai plaisir de diriger à nouveau des acteurs qui ne portaient pas de casques, et dont je pouvais filmer les expressions des visages ! (rires) Obi-Wan et Anakin sont des personnages tellement iconiques, avec lesquels le public a noué des liens si fort que l’on a vraiment envie de les représenter de la meilleure manière possible. Je ne peux pas nier que c’est une énorme responsabilité.

En dehors des environnements virtuels que vous avez filmés grâce à la technologie StageCraft, dans quels paysages naturels vous êtes-vous rendus pour filmer certaines séquences ?

StageCraft nous a permis du filmer la majeure partie de la série. Notre histoire débute sur Tatooine, comme je vous le disais précédemment, puisque Obi-Wan est chargé de surveiller discrètement le jeune Luke Skywalker et de s’assurer qu’il ne court aucun danger. Mais nous avions énormément envie d’aller explorer de nouveaux environnements sur d’autres planètes. Non seulement pour en profiter visuellement, car cela fait partie de l’expérience STAR WARS, mais aussi pour découvrir d’autres peuples et créatures inédites dans les endroits les plus éloignés de la galaxie. Malheureusement, comme nous avons tourné la série en pleine pandémie, ce n’était pas le contexte le plus aisé pour pouvoir voyager et nous installer dans des paysages naturels… Nous nous sommes donc appuyés encore plus sur StageCraft, et ce que vous verrez dans la série est donc un mélange d’environnements filmés en plateau et de prises de vues en décors extérieurs.

Comment avez-vous mis en scène le personnage de l’inquisitrice Reva ? Elle est l’un des rares exemples de méchantes dans un univers STAR WARS qui reste essentiellement masculin…

J’étais très impatiente de travailler sur le personnage de Reva avec Moses Ingram, qui l’incarne, car c’était une opportunité sensationnelle de dépeindre le comportement d’une femme qui avait choisi le côté obscur. On a pu en voir auparavant dans les séries animées STAR WARS, comme Asajj Ventress dans CLONE WARS, et quelques-unes aussi dans les films mais jamais dans des rôles vraiment importants. Comme l’inquisitrice Reva est un personnage majeur de notre série, cela nous a ouvert un vaste champ de possibilités à explorer, notamment parce que ce type de rôle n’a pas été souvent attribué à des actrices.

Vous êtes la première femme qui réalise tous les épisodes d’une série STAR WARS. Que ressentez-vous en songeant à cela ?

Oh, c’est une chose à laquelle j’essaie de ne pas trop penser, du moins en ce qui concerne la responsabilité supplémentaire que cela implique ! (rires) OBI-WAN KENOBI a été une expérience vraiment passionnante, et en toute honnêteté, je n’aurais jamais pu imaginer que l’on me confierait une telle responsabilité sur toute une série quand j’ai commencé à travailler sur LE MANDALORIEN. J’en ai même été sidérée, pour tout dire ! En tant que réalisatrice, je me focalise essentiellement sur la mise en scène, mais j’ai pu constater que chez Lucasfilm, il y a énormément de femmes qui occupent des fonctions très importantes, à commencer par sa présidente Kathleen Kennedy. Je m’y suis toujours sentie à l’aise et pleinement soutenue dans mes activités.

Découvrez notre entretien avec Ewan McGregor dans la prochaine partie de notre dossier OBI-WAN KENOBI. Bookmark and Share


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