MATRIX RESURRECTIONS : Entretien avec Carrie-Anne Moss
Article Cinéma du Vendredi 24 Decembre 2021

Entretien avec CARRIE-ANNE MOSS (Trinity / Tiffany)

Parlez-nous du début du projet…


Alors que je prenais mon cours de yoga, j’ai reçu un SMS de Lana qui me disait « C’est Lana. Rappelle-moi quand tu peux ». En sortant, je me suis assise dans ma voiture pour l’appeler : on a parlé longtemps et je lui ai dit que c’était génial d’avoir eu de ses nouvelles, et elle m’a alors confié « Tu ne me croiras jamais, mais j’ai écrit un scénario que j’aimerais te faire lire ». Elle m’a ensuite expliqué ce qui lui avait inspiré MATRIX RESURRECTIONS. Je suis rentrée chez moi et j’en ai parlé à mon mari. Je crois bien que je me suis mise à pleurer – la seule perspective de ce projet m’a rendue folle de joie. Mais je me demandais quand même si c’était vraiment concret. Et puis, j’ai pris l’avion pour San Francisco et j’ai retrouvé Keanu que je n’avais pas vu depuis longtemps. Je ne me rappelle plus très bien qui d’autre était sur place. Évidemment, il y avait Lana et James, que je n’avais pas revus depuis longtemps non plus, et on a fait une lecture. Je n’avais pas encore lu le scénario en entier et je n’aurais JAMAIS imaginé que mon personnage – ou l’intrigue – avait évolué à ce point. On a terminé la lecture et je crois que j’étais un peu sous le choc parce qu’il m’a fallu du temps pour digérer tout cela. Et puis, bien sûr, tout cela résonnait sur un plan personnel. J’ai digéré tout cela pendant longtemps – et je n’ai toujours pas fini d’ailleurs. C’était génial de repartir dans cette aventure.

Comment avez-vous vécu ce tournage ?

Parfois, j’avais le sentiment que c’était un rêve tellement ce que je vivais était merveilleux. Il fallait que je me pince pour m’apercevoir que c’était vrai ! Prendre conscience que j’avais tourné un film aussi singulier il y a une vingtaine d’années et me retrouver de nouveau dans cet univers – cela n’arrive pas si souvent ! On a tous évolué et mûri depuis et on avait soudain la possibilité de nous y replonger. C’était comme un cadeau. Je souhaite à tout le monde de vivre une situation aussi exigeante sur le plan artistique, tout en étant solidement armé pour l’affronter. C’est en cela que c’était un cadeau. C’est en cela que Trinity a évolué. Entre l’époque où j’avais 30 ans et aujourd’hui, 23 ans se sont écoulés, et ce que j’ai dû surmonter pour camper le personnage est aussi ce qui m’a le plus plu, et c’est ce avec quoi je vais repartir dans ma vie.

Parlez-nous de votre collaboration avec Lana…

Le tournage de la trilogie a été difficile, surtout pour que tout soit de la plus grande justesse possible. Il fallait réussir à rester sans bouger. À l’époque, j’entendais la voix de Lana dans ma tête. C’est difficile à expliquer, mais mon personnage était comme le prolongement de Lana. J’avais envie d’être totalement au service de mes metteurs en scène – cela ne se passe pas toujours comme ça, et je ne sais pas pourquoi. Mais en tant qu’actrice de ces trois films, j’avais besoin de m’abandonner complètement et d’être au service d’une vision artistique. Je ne me suis jamais battue pour affirmer ma manière de voir les choses – ce n’est pas comme si j’avais un point de vue et que j’étais infantilisée. C’était une transmission, un échange entre nous, qui a permis de créer Trinity. Ce qui est intéressant, c’est que la méthode de travail de Lana à l’heure actuelle correspond parfaitement à la mienne. Ça me fait penser à un cours d’art dramatique – dans le meilleur sens du terme – où le prof vous balance des idées. J’adore ce genre d’atmosphère. Il exige pas mal de souplesse et d’adaptabilité – et c’est ce que je préfère. S’agissant des scènes de combat, je n’ai pas un don inné pour les arts martiaux. J’apprends les figures comme une chorégraphie, mais je n’ai pas la maîtrise artistique. Il faut donc que je reste souple dans ma tête parce que, tout à coup, les figures qu’on a apprises changent. Mais c’est une bonne chose de se retrouver dos au mur. Je me souviens qu’à l’époque où mes enfants étaient petits et où je m’en occupais, j’étais dans une atmosphère douillette et confortable. Et puis, quand j’ai repris le travail, j’avais le sentiment que je ne savais presque plus m’adresser aux autres, parce que je ne parlais qu’à des enfants depuis longtemps. J’avais presque peur de bousculer les habitudes de ma petite vie… et pourtant, comme ma vie était très confortable, je m’en contentais avec bonheur. Mais sortir de mon quotidien m’a été incroyablement bénéfique – et ce projet m’a sortie de mon quotidien à un tout autre niveau. Il m’a d’ailleurs permis d’être une meilleure mère, parce que j’encourage mes enfants à se remettre en question eux aussi, d’une manière qui, en général, ne correspond pas à l’attitude d’une mère. On cherche le plus souvent à protéger ses enfants et à faire en sorte qu’ils ne s’éloignent pas trop de vous. C’est une situation où une création artistique exerce une influence sur ma vie. En général, c’est la vie qui nourrit la création, et c’est ce qui nous a guidés. C’est ce que Lana voulait et c’est son seul impératif sur le tournage. C’était magnifique de participer à ce projet.

Vous collaborez à nouveau avec Keanu, presque 20 ans après le dernier volet de la saga…

J’ai tourné avec beaucoup de grands acteurs, mais quand je travaille avec Keanu, j’ai comme le sentiment d’être chez moi d’une certaine façon. Peu importe qu’on ne se soit pas parlé pendant longtemps ou qu’on n’ait pas joué de scène ensemble depuis des semaines. Il débarque sur le plateau et il fait surgir la situation qu’on est censés jouer. C’en est presque sidérant par moments parce que notre relation remonte à très loin. Nous sommes très bons amis, nous avons de l’affection l’un pour l’autre, et nos rapports sont sincères et fondés sur le respect, l’intégrité, l’empathie et l’attention. On a donc ce type de relation, et puis on insuffle à nos personnages la vision de Lana et l’amour que nous leur portons. Il est même arrivé qu’on se mette à pleurer parce que Neo et Trinity nous touchent énormément. On les adore.

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