FIGHTING FURIES, les pirates oubliés de Matchbox
Article Produits Dérivés du Vendredi 06 Decembre 2019

Texte et photos Pascal Pinteau

Amateurs de jouets vintage, voici pour vous un dossier consacré à une belle gamme de figurines de pirates des années 70. A l’abordage !!

Bien connu pour ses gammes de véhicules miniatures (Les modèles Superfast) Matchbox s’est lancé en 1973 dans une nouvelle aventure : la création de figurines articulées. Il fallait faire preuve d’originalité pour tenter de s’imposer sur un marché largement dominé par G.I. Joe et Big Jim. Il n’était donc pas question de produire un aventurier de plus, aux panoplies évocatrices de voyages périlleux, d’exploits sportifs ou de grandes batailles militaires. Cherchant les thèmes peu ou pas abordés par Hasbro et Mattel, Matchbox décide d’explorer l’univers des pirates.

Des personnages qui se battent au sabre

Sans doute inspirés par le système mécanique du bras de Big Jim, qui lui permet d’asséner des coups avec le tranchant de la main, les créateurs de Matchbox réalisent eux aussi un prototype de figurine animée. Ils vont un peu plus loin et imaginent de doter leur pirate d’un bras articulé armé d’un sabre, qui se relève lorsque l’on appuie sur un bouton situé sur le côté droit du torse de la figurine. L’articulation du coude est libre. Quand le bras est relevé à 45 degrés, l’avant-bras bascule vers l’arrière, entraîné par le poids de la lame du sabre. La figurine donne alors l’impression de lever le bras pour se préparer à attaquer un ennemi. En relâchant le bouton, le bras pivote vers le bas en se dépliant et en projetant la lame du sabre en avant. Il suffit de placer deux figurines face à face et d’appuyer rapidement sur leurs boutons pour reconstituer un duel féroce ! C’est ainsi que naît le nom des Fighting Furies (que l’on peut traduire par les combattants furieux). Le mécanisme permet aussi de projeter un poignard, calé au préalable dans la main, bras relevé. Pour la petite histoire, ce sont les prototypes des deux personnages qui sont photographiés pour illustrer le lancement de la gamme, dans le catalogue Matchbox de 1974 destinés aux marchands de jouets. En les observant attentivement, on peut se rendre compte que les visages sont très différents de ceux des modèles définitifs, et que les mains ont été tout simplement prélevées sur des personnages Big Jim !

Un capitaine qui cache un secret

Il restait à créer les noms et l’histoire des personnages principaux de la gamme. Le premier d’entre eux est le capitaine Peg-leg, doté comme son nom l’indique d’une jambe de bois. Décrit comme un pirate audacieux et particulièrement rusé, Peg-leg dissimule son bien le plus précieux dans sa jambe creuse : une carte au trésor ! Il suffit de retirer un bouchon de plastique souple pour révéler la carte soigneusement roulée. (Le petit rouleau de papier est assez difficile à extraire s’il s’est détaché de la base du bouchon dans lequel il est normalement calé. Il faut alors utiliser une petite tige pour déloger la carte sans l’abîmer). Si cette manipulation est un peu compliquée, elle n’est pas considérée comme un problème par les enfants qui découvrent Peg-leg : bien au contraire, cette cachette secrète est l’un des attraits majeurs du personnage. C’est la caractéristique qui marquera le plus. Si le visage du personnage est bien sculpté, les articulations de son corps sont plus rudimentaires que celles de Big Jim et de G.I. Joe. De toute évidence, Matchbox préfère soigner les vêtements, les accessoires, et l’aspect de la boîte de Peg-leg pour plaire aux enfants. Mais il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin, car un Capitaine digne de ce nom ne peut naviguer seul : il lui faut un second.

L’autre Crochet…

Ce personnage, ce sera Hook (et non pas le capitaine Hook/Crochet, pour éviter des problèmes de copyright avec Disney, au sujet de l’ennemi juré de Peter Pan), un pirate aux traits asiatiques et au crâne rasé, à l’exception d’une longue mèche tombant du côté droit de son visage. Un tatouage d’aigle orne sa poitrine et un crochet noir se trouve à la place de sa main gauche. Comme Peg-leg, il se bat au sabre avec son bras droit animé. L’histoire de la rencontre de Peg-leg et de Hook est racontée sur le dépliant inséré dans les boîtes des figurines : « En naviguant dans les mers des Caraïbes, le vaisseau du Capitaine Peg-leg, le Sea Fury, est attaqué par la bande de pirates rivale dirigée par Hook. Alors que les deux chefs se battent sur le pont, les autres pirates s’extasient de la fureur du combat. Au bout d’un moment, le Capitaine Peg-leg et Hook éclatent de rire, et se serrent la main. Ils font le serment de combattre désormais ensemble, et de partir à la recherche d’aventures et de trésors cachés. Les FIGHTING FURIES sont nés ».

Des aventures scénarisées

Matchbox se surpasse dans la conception des boîtes de panoplies, qui sont conçues comme des aventures scénarisées, dont on fournit les costumes et les principaux accessoires. Aux enfants de réaliser leurs propres films dans leurs têtes, en faisant vivre les personnages. Dans chaque boîte se trouve un dépliant qui présente l’histoire avec un court texte et une série de dessins. Les six panoplies disponibles dès 1974 aux USA sont THE CAPTAIN BLOOD ADVENTURE (L’aventure du Capitaine Blood), THE ONE-EYED SAILOR ADVENTURE (L’aventure du marin borgne), THE HOODED FALCON ADVENTURE (L’aventure du sheik fauconnier) , THE SPANISH MAIN ADVENTURE (l’aventure du pirate des Antilles), THE REDCOAT ADVENTURE (L’aventure du soldat anglais) et THE KUNG FU WARRIOR ADVENTURE (L’aventure du guerrier Kung-Fu). Chaque histoire est bien choisie et permet de varier les tenues des personnages, qui deviennent tour à tour conquistadors, soldats chinois en armure, princes arabes, et revêtent même l’uniforme de leurs ennemis jurés : les marins anglais.

Un fantôme célèbre

Bizarrement, plutôt que de fabriquer d’autres pirates pour former l’équipage de Peg-leg et de Hook, ou des ennemis, comme c’est généralement le cas lorsqu’une gamme de figurines débute, Matchbox choisit de créer…un spectre. Il s’agit du fantôme du Capitaine Kidd, célèbre pirate anglais qui exista réellement. Il fut capturé, condamné à mort à l’issue d’un procès resté célèbre pour son jugement contestable (il semblerait que Kidd ait agi comme un corsaire au service de l’Angleterre et non comme un pirate) et finalement pendu en 1701. La version imaginée par Matchbox ne s’encombre pas de ces références historiques : son argument commercial numéro un est l’aspect du personnage. Moulé dans un plastique vert phosphorescent, son visage et son corps ont été peints avec des motifs blancs. Lorsque le personnage est éclairé, puis placé dans l’obscurité, il luit comme un fantôme, et les motifs blancs, qui font alors office de caches sombres, dessinent les contours de la cage thoracique et des os du crâne, des bras et des jambes. L’effet est d’autant plus saisissant que le tissu de la tenue du spectre est une sorte de voile transparent , au travers duquel on distingue le squelette luisant ! Vendu uniquement par correspondance aux USA, par le biais du catalogue Sears, qui le conditionne dans une simple boite de carton ondulé, le fantôme du Capitaine Kidd a droit à un superbe emballage lorsqu’il apparaît en Europe. La boîte est conçue comme un cercueil décoré d’un œil, dont la pupille est un trou. Les enfants peuvent saisir la boîte sur le présentoir du magasin de jouet, regarder à l’intérieur et découvrir le visage du spectre luisant dans l’obscurité ! En omettant de créer d’autres personnages, Matchbox commet une grave erreur. Les deux personnages principaux sont décrits comme des amis, et le fantôme de Kidd n’est pas un ennemi concret, de chair et d’os, que l’on peut imaginer dans toutes sortes d’aventures. L’univers de fiction des FIGHTING FURIES est de ce fait trop limité pour que les enfants puissent inventer librement leurs propres histoires, avec un méchant haut en couleurs.

Nous partirons à l’abordage de la seconde partie de ce dossier dans quelques jours ! Bookmark and Share


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