TOMB RAIDER : Entretien avec le réalisateur Roar Uthaug – 3ème partie
Article Cinéma du Mercredi 11 Juillet 2018

Comment l’icône des jeux vidéo est revenue au cinéma dans un reboot musclé, au traitement plus réaliste, à découvrir ou redécouvrir en vidéo le 18 Juillet….

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Avez-vous conçu ce film en y plaçant aussi des idées qui pourraient être développées dans les épisodes suivants de la franchise ?

Non, pas vraiment. Je me suis concentré sur ce film-là, pour faire en sorte de raconter la meilleure histoire possible en faisant découvrir au public comment notre héroïne est devenue la Lara Croft que l’on connaît.

Si on vous le proposait, seriez-vous prêt à réaliser l’épisode suivant ?

Nous verrons… Ce que je peux vous dire, c’est que j’aime beaucoup le personnage de Lara et tout son univers, donc je n’exclus rien.

Pouvez-vous nous donner des exemples de moments que vous avez improvisés avec Alicia, en profitant des idées qui vous sont venues quand vous vous trouviez sur le plateau ?

Même si nous disposions d’un très bon scénario, j’aime toujours donner aux acteurs la liberté d’apporter leurs contributions aux dialogues ou aux contenus de la scène. Généralement, je tourne plusieurs prises telles qu’elles sont prévues dans le script, puis nous essayons des idées différentes dans les prises suivantes, après en avoir discuté non seulement avec les comédiens mais aussi avec les membres de mon équipe technique, car je suis à l’écoute de ce qu’ils peuvent me suggérer. Parmi les scènes du film qui reposent en partie sur ces idées de dernière minute, je peux citer celles du début, où l’on voit Lara travailler en tant que coursier à vélo à Londres : elle a des interactions assez amusantes avec des gens dans des bureaux, et ces répliques ont été largement improvisées par Alicia et les autres comédiens.

En travaillant avec Alicia Vikander et en connaissant mieux sa personnalité, avez-vous eu envie de transférer certains traits de son caractère dans le personnage de Lara Croft ?

Absolument ! Et nous avons d’ailleurs travaillé aussi ensemble sur le script, après qu’elle ait accepté le rôle. Alicia a continué à apporter de bonnes idées tout au long du développement du scénario et du tournage du film.

A-t-elle aussi suggéré certains détails des scènes d’action, puisqu’elle allait devoir effectuer ces cascades par la suite ?

Oui. Elle nous a notamment suggéré comment mieux montrer ce qu’allait faire Lara pendant certaines scènes d’action, en rendant les choses moins confuses à l’image. C’est toujours utile d’entendre les idées de la personne qui va avoir à effectuer ces cascades.

Connaissiez-vous bien les jeux et les précédents films Tomb Raider avant d’accepter de réaliser ce projet ?

J’avais joué avec le premier jeu quand il est sorti en version Playstation, et j’avais vu aussi les deux premiers films au cinéma, mais je ne peux pas dire que Tomb Raider a occupé une part importante de mes souvenirs de jeunesse. Quand on m’a appelé pour me proposer ce film, je me suis procuré les jeux réalisés à partir du reboot de 2013, pour voir comment ils avaient traité le récit des débuts de Lara Croft, et cela m’a beaucoup inspiré. Je trouve qu’ils ont bien réussi à créer une nouvelle Lara moderne et correspondant bien à notre époque.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez conçu les environnements anciens géants que nous allons découvrir dans le film, ainsi que les pièges que Lara doit franchir ?

J’ai travaillé en étroite collaboration avec notre chef décorateur Gary Freeman pour créer l’univers du film. Nous avons fait de nombreuses recherches sur les pièges et les armes cachées développées il y a fort longtemps au Japon et cela nous a énormément inspiré. Nous avons consulté aussi les jeux vidéo, bien sûr, et les documentations qui existent sur de vrais pièges de toutes sortes.

En quoi votre version de Lara Croft est-elle différente d’Indiana Jones ?

Je crois que la version originelle de Lara Croft était inspirée en partie d’Indiana Jones, qui était lui-même inspiré de nombreux héros de sérials d’aventure des années 30. Je crois que notre Lara Croft est un personnage bien différent d’Indiana Jones, et assez original pour ne pas évoquer de comparaisons.

Si Indiana Jones et Lara Croft s’affrontaient, qui gagnerait ?

Lara, bien sûr ! (rires)

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans votre collaboration avec Alicia Vikander ?

Tout ce que j’ai déjà évoqué sur sa ténacité, son endurance et son implication totale dans le film, et aussi quelque chose que j’ai constaté tous les jours pendant le montage du film. D’habitude, quand vous revoyez sans cesse les mêmes plans d’un acteur, vous vous en lassez vite. Eh bien, je peux vous dire en toute sincérité que la performance d’Alicia est si intéressante, que cela ne m’est jamais arrivé pendant ce montage. J’avais toujours de nouvelles nuances à découvrir en revoyant chaque plan. Pouvoir obtenir une telle qualité et une telle richesse de jeu d’Alicia a été une expérience fantastique pour moi en tant que réalisateur. Elle donne une vérité frappante aux scènes d’émotions, et elle excelle aussi dans les scènes d’action et pendant les combats avec des mouvements rapides et complexes à effectuer. Je crois que cela en dit long sur sa capacité à travailler très dur.

Étant donné qu’il s’agit de votre première réalisation d’une superproduction américaine, qu’avez-vous appris pendant cette expérience ?

D’abord que cela représente énormément de travail très compliqué ! De les journées sont très longues…et que le plus important est de ne pas se laisser distraire par l’énormité de la machine, et de réussir à rester focalisé sur l’essentiel, c’est à dire la création de moments qui vont être étonnants, émouvants, spectaculaires, tout en faisant progresser l’histoire. J’ai aussi appris que Hollywood est rempli de gens qui aiment sincèrement le cinéma, et qui traitent la narration d’une histoire et la présentation de ses personnages avec beaucoup de sérieux.

Et cela vous a beaucoup étonné ?

Oui, parce qu’en tant que cinéaste européen, on entend souvent des anecdotes épouvantables sur des tournages de films hollywoodiens ! Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu : j’ai été soutenu et encouragé par des gens enthousiastes et qui sont de vrais cinéphiles.

Etiez-vous à la recherche d’un projet américain quand on vous a appelé pour vous proposer de réaliser Tomb Raider ?

Oui, j’avais très envie de réaliser un film dans un autre pays que la Norvège.

Vous souvenez-vous d’un jour particulier de tournage où tout se passait de manière idéale, et d’un autre jour où rien n’a fonctionné comme prévu ?

(rires) En fait, j’étais confronté à ces deux situations tous les jours ! (rires) Cela étant dit, même si vous vivez l’enfer pour réussir à filmer une scène très difficile, dès que vous la regardez sur le moniteur et que vous constatez qu’elle fonctionne bien, vous avez l’impression de vous retrouver au paradis ! Vous retrouvez instantanément le sourire quand vous voyez le résultat de tous ces efforts. En tant que réalisateur, il n’y a que cela qui compte : ce que l’on verra sur l’écran. On oublie vite le reste.

Quelle est LA scène du film qui a été la plus difficile à tourner ?

Sans hésitation celle où Lara est sensée descendre des rapides. Nous l’avons tournée dans le centre d’entraînement olympique de rafting Lee Valley White Water, qui est situé près de Londres. Habituellement, on l’utilise en étant installé dans un canoë-kayak, mais nous avons demandé à Alicia de se jeter dans ces flots déchaînés avec les mains liées pour les besoins d’une scène! Cela a été une journée particulièrement dure pour elle, parce que l’eau était très froide et qu’il lui fallait faire constamment de gros efforts pour se déplacer tout en étant entraînée par le courant. Nous étions au sec, mais nous nous faisons du souci pour elle. Nous étions obligés de lui demander de retourner dans l’eau toute la journée pour obtenir les images nécessaires pour cette scène. Heureusement tout s’est bien passé et le résultat à l’image est intense et très spectaculaire.

Qu’est-ce qui a poussé la Warner à vous choisir pour réaliser ce nouveau Tomb Raider ?

Quand ils ont vu The Wave, ils ont remarqué le mélange de personnages crédibles pour lesquels on s’inquiète, de scènes émouvantes et de séquences spectaculaires. Quand nous nous sommes rencontrés, ils m’ont expliqué que cela correspondait à ce qu’ils avaient envie de faire en lançant une nouvelle version de Tomb Raider au cinéma.

Avez-vous dialogué un peu avec les créateurs du jeu pendant l’écriture du film ?

Pas beaucoup, mais un peu. Ils nous avaient envoyé des illustrations conceptuelles réalisées pour leurs jeux, et elles ont inspiré nos recherches pendant le développement de l’univers du film. Mais je crois qu’il était important que nous soyons libres de créer ce qui nous semblait être le mieux pour raconter notre histoire à notre façon. Bookmark and Share


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