Star Wars : Les petits secrets des vaisseaux emblématiques
Article Cinéma du Lundi 28 Mai 2018

À l’occasion de la sortie de Solo : A Star Wars Story, nous vous proposons de revenir sur la création des vaisseaux introduits sur le grand écran en 1977, lors de la première exploitation d’Un Nouvel espoir. Les designs mis au point il y a quatre décennies ont marqué durablement l’imaginaire des spectateurs. Le Faucon Millenium, le X-Wing (ou Aile-X), le TIE Fighter ou encore le Destroyer stellaire font depuis longtemps partie des engins les plus célèbres de la science-fiction, au côté notamment de l’USS Enterprise…

Par Pierre-Eric Salard

Lorsque George Lucas s’est attelé à la préproduction de L’Episode I : La Menace Fantôme (1999), au milieu des années 1990, le cinéaste indépendant – Lucasfilm est restée une entreprise autonome jusqu’à son rachat par The Walt Disney Company, en 2012 – a préféré écarter les véhicules devenus cultes de sa première trilogie. Une décision logique, puisque ce film se déroulait 32 ans avant Un Nouvel espoir. La République est encore en paix ; Palpatine ne fait qu’entamer la route qui le mènera au pouvoir. La galaxie n’a pas encore souffert des ravages de la guerre, et l’économie se porte bien. Surtout, les héros utilisent des vaisseaux fabriqués sur la planète Naboo ; ils en reprennent le style épuré. Les véhicules de l’Épisode I n’ont donc aucun point commun avec ceux, iconiques, de la trilogie originale. Ce fut un vœu de George Lucas, respecté par Doug Chiang. Pour le superviseur des designs, les deux premiers mois de préproduction furent terrifiants. «J’avais l’impression que je n’arriverais jamais à la cheville de mes prédécesseurs : Ralph McQuarrie et Joe Johnston», soulignait-il. «George voulait jeter tout ce que nous savions sur Star Wars, et recommencer à partir de zéro». Ainsi le rutilant chasseur Naboo N-1, de couleur jaune, a-t-il été imaginé à partir de l’observation d’une épingle à cheveux issue du style art nouveau ! «On change de perspective, en abandonnant une idée préconçue sur la nature d’un objet et en l’observant d’un point de vue entièrement nouveau», précise Doug Chiang. Pour l’Épisode II, les artistes chargés de la conception visuelle entament un timide rapprochement avec la direction artistique d’Un Nouvel espoir.



L’intercepteur léger Aethersprite Delta-7, utilisé par Obi-Wan Kenobi durant L’Attaque des clones (2002) en est l’exemple le plus frappant : sa forme triangulaire rappelle immanquablement les futurs Destroyers stellaires de classe Impérial (ou Star Destroyers). Au sein de l’univers Star Wars, les deux vaisseaux sont d’ailleurs produits par un même fabricant, les Chantiers navals de Kuat. Trois ans plus tard, les intercepteurs Eta-2 — pilotés par Anakin Skywalker et Obi-Wan Kenobi durant la bataille de coruscant qui ouvre La Revanche des Sith (2005) — disposent d’ailes pliables, et d’un hublot en forme de toile d’araignée. George Lucas souhaitait que ce design mêle les caractéristiques du chasseur Jedi de l’Épisode II à celles du TIE. «La vue de devant rappelle celle du chasseur TIE classique», souligne Ryan Church, superviseur du design. «Le fuselage du vaisseau d’Anakin arbore un mélange de jaune et de métal non peint. Cela permet de faire écho à sa “première” expérience du combat aux commandes d’un chasseur Naboo, dans l’Episode I». Ce véhicule monoplace fait ainsi le lien stylistique entre les deux trilogies.

Une nouvelle ère

Une décennie plus tard, suite au rachat de Lucasfilm par Disney, J.J. Abrams est chargé de relancer la franchise avec l’Épisode VII : Le Réveil de la force. Malgré le fait que les événements se déroulent plus de trente ans après Le Retour du Jedi, les principaux vaisseaux visibles dans le film sont majoritairement de simples modernisations des designs emblématiques de la trilogie originale. Ainsi le X-Wing et le TIE Fighter sont-ils de retour, malgré l’écoulement de nombreuses années. Sous l’égide de J.J. Abrams et la directrice de Lucasfilm, Kathleen Kennedy, l’inventivité des artistes laisse place à l’hommage et la nostalgie. Il s’agit avant tout de renouer avec l’esthétique de la trilogie classique. Les quelques altérations du X-Wing furent largement inspirées par un dessin réalisé par Ralph McQuarrie au milieu des années 1970. La direction artistique du film soulignerait donc presque le statut de quasi-remake qu’est Le Réveil de la Force – un film qui devait non seulement relancer la franchise au cinéma, mais aussi (ré)introduire les éléments emblématiques de Star Wars auprès d’un jeune public. «Il était nécessaire de ressembler à du Star Wars», rappelle le directeur artistique des effets visuels, James Clyne. «C’est-à-dire des formes très simples». L’imposant cargo piloté par Han Solo, l’Eravana, fut d’ailleurs surnommé «la Super Nintendo» : l’ouverture permettant de faire entrer Faucon Millenium au sein du vaisseau rappelait le connecteur à cartouches de l’antique console de jeu vidéo. Ce design évoquait également à J.J. Abrams Les Dents de la Mer. «L’idée, c’est que Han et Chewie sont devenus des camionneurs qui pilotent un vieil appareil gigantesque, rouillé et délabré», souligne l’illustrateur de concepts Thom Tenery. «C’est la métaphore d’une énorme baleine qui rattrape le Faucon et l’engloutit tout entier». Pour James Clyne, il ne s’agissait pas de créer le vaisseau le plus «cool» de l’univers, mais que les spectateurs puissent inconsciemment comprendre où en est Han solo à ce stade de l’histoire.

Le transporteur de troupes de la Résistance, qui apparaît sur la planète Takodana, est inspiré de l’hélicoptère CH-47 Chinook, mis en service en 1962 par Boeing. «Je l’ai fait basculer sur le côté», explique le directeur artistique Kevin Jenkins. «J’ai remplacé les deux moteurs de l’hélico par un cockpit, d’un côté, et une arme de l’autre. Les troupes sortent du milieu». De nombreux concepts furent malheureusement écartés, tels de nouveaux vaisseaux destinés à la Résistance (avant que le X-Wing bénéficie d’une cure de jouvence). «J’ai eu l’idée de passer l’alphabet en revue», ajoute James Clyne. «J’ai donc esquissé rapidement des croquis de L-Wing, qu’on a rebaptisé J-Wing, puis K-Wing». Les fans devront cependant attendre le film suivant pour découvrir de nouvelles «lettres». Quatre décennies avant les événements de ce septième épisode, Rogue One revient sur le vol des plans de l’Étoile noire – comme un prologue à Un Nouvel espoir (1977). Le film dérivé de la saga, réalisé par Gareth Edwards, met donc logiquement en scène de nombreux engins apparus dans la trilogie originale, dont le X-Wing, Y-Wing, l’Étoile noire, le Star Destroyer et le TIE Fighter. De nouveaux vaisseaux ont également été créés par l’équipe de recherche artistique de Lucasfilm, avant de voir le jour entre les mains des infographistes d’ILM. Les designs de ces véhicules inédits – l’U-Wing, le TIE Striker, l’AT-ACT – s’inscrivent pourtant parfaitement au sein de la direction artistique inaugurée dans l’Épisode IV. L’équipe menée par Jyn Erso, chargée de voler les plans de l’Étoile noire, est véhiculée dans un vaisseau transporteur de troupes inédit, l’U-Wing, dont le design s’inspire partiellement du Y-Wing (en particulier au niveau du cockpit). L’Empire, de son côté, dispose d’un nouveau chasseur TIE Striker, spécialisé dans le vol atmosphérique. Son style original rappelle toutefois une variation de TIE introduite dans le jeu vidéo Rebel Assault 2, en 1995. Mais la majorité des forces des belligérants de Rogue One est constituée des vaisseaux créés il y a quarante ans…



Des véhicules emblématiques

Avant même la création du studio d’effets spéciaux Industrial Light & Magic, George Lucas recrute trois artistes – qu’il rétribuera initialement à l’aide des profits générés par son précédent film, American Graffiti — pour imaginer les vaisseaux qui peupleront son nouveau film, alors sobrement intitulé The Star Wars. Il s’agit de l’illustrateur Ralph McQuarrie, du storyboardeur Alex Tavoularis, et du maquettiste Colin Cantwell (2001, l’odyssée de l’espace). La création des vaisseaux – en particulier ceux du film original – a souvent été un processus horizontal. Ainsi, pour Un Nouvel espoir, Colin Cantwell construisit d’abord des maquettes rudimentaires – on reconnaît généralement les formes qui seront finalement adoptées – des principaux engins. Ralph McQuarrie en proposera de nouvelles itérations dans ses dessins de production, tout comme Alex Tavoularis dans les premiers story-boards (George Lucas opérant des modifications majeures de l’intrigue parallèlement aux travaux des premiers membres de l’équipe de préproduction). Et si Joe Johnston leur offre souvent leurs formes définitives, de nombreux autres illustrateurs et maquettistes seront à l’origine des dernières altérations. C’est donc sous forme de maquettes que les premiers vaisseaux de la saga – X-Wing, Y-Wing – furent créés (à partir de croquis rudimentaires dessinés par George Lucas), avant d’être ajoutés au sein des dessins de production de McQuarrie. Ces illustrations devaient faire office d’arguments pour convaincre les responsables du studio Fox d’investir dans cet étrange film aux allures de science-fiction. «Lire un script est une chose», expliquait le regretté Ralph McQuarrie. «Mais je ne crois pas que les cadres de la Fox avaient vraiment saisi ce que George voulait faire, à savoir un grand spectacle visuel». George Lucas lui confie l’une des versions du scénario afin que l’artiste sélectionne des scènes qui pourraient devenir des illustrations intéressantes. «J’ai commencé à faire des petits croquis de vaisseaux spatiaux en train de contourner une planète».

En parallèle, Colin Cantwell fabrique des maquettes – primitives – des différents engins évoqués dans le script. Bien qu’à l’état d’ébauche, ces miniatures offrent un solide aperçu des vaisseaux que nous connaissons. «Je photographiais les maquettes dès leur sortie des moules», ajoutait Ralph Mcquarrie. «Je les intégrais aux peintures et je faisais aussi les mises à jour quand Colin allait plus loin dans leur développement». Les dessins de production mettaient ainsi en scènes ces prototypes dans des contextes spectaculaires. «Ces maquettes avaient des designs bien fantaisistes quand on les compare aux vaisseaux beaucoup plus réalistes qui leur ont succédé», se souvient le maquettiste – et vétéran d’Industrial Light & Magic – Lorne Peterson dans son livre Naissance d’une galaxie. Ultérieurement, une fois que le film est entré en préproduction, l’illustrateur Joe Johnston (futur réalisateur de Rocketeer et Captain America) retoucha ces premiers concepts, leur donnant leurs designs définitifs. Ce sont ces versions qui servirent de modèle à l’équipe chargée des effets spéciaux, supervisée par John Dykstra, afin d’élaborer les maquettes finales. Pour le Destroyer stellaire de Dark Vador, Colin Cantwell s’inspire des cuirassés lancés par les États-Unis, au début du XXe siècle, pour signifier au reste du monde que ce nouveau pays était une puissance militaire. La maquette originale, peinte en blanc, rappelle effectivement les bateaux de la Marine. «La forme est en partie inspirée de ces cuirassés, mais aussi de la forme d’un avion en papier», précise le maquettiste. Lors de son arrivée au sein de l’équipe, Joe Johnston s’occupe en priorité de la révision du design du Destroyer stellaire. «Tout avait été fabriqué sous forme de maquettes par Colin Cantwell», précisait-il. Si les formes des miniatures sont généralement conservées, il s’agit avant tout de transformer les concepts afin qu’il soit possible de les photographier devant un fond bleu. «Le Destroyer stellaire de Colin avait des antennes et des armes qui sortaient de ses flancs, et ça ne serait pas bien passé au trucage», ajoute Joe Johnston. Le vaisseau de Dark Vador deviendra ainsi plus massif et imposant. Selon Lorne Peterson, la maquette-concept de Colin Cantwell était l’un des prototypes qui ressemblaient le plus à sa version finale : «L’amas de tuyaux qui dominait le dessus du vaisseau ressemblait plus à une plateforme pétrolière qu’à une tour de commandement. Néanmoins, Colin avait incontestablement réussi à capturer le style du vaisseau que nous avons recréé plus tard sous une forme plus sophistiquée».



Le premier concept de L’Étoile noire s’avère relativement différent de l’arme de destruction massive que nous connaissons. Si la maquette construite par Colin Cantwell est bien ronde, elle arbore une texture argentée ! L’objectif consistait à pouvoir la repérer dans l’espace, même à proximité d’une planète. Le design sera révisé par la suite. Originellement, le super-laser de l’Étoile noire est d’ailleurs installé sur l’équateur de la gigantesque station spatiale – là où se trouve également la fameuse tranchée. Les maquettistes d’ILM préféreront placer le gigantesque cratère au sein de l’hémisphère nord. Ce qui explique pourquoi le film d’animation, lors du briefing de l’attaque de l’Étoile noire, montre un super-laser placé au mauvais endroit. Reste que le design de l’Étoile noire a globalement peu évolué au cours de la production : du scénario à l’écran, George Lucas a toujours imaginé une gigantesque station spatiale sphérique…

La suite de ce dossier sera publiée demain !

Si vous souhaitez en découvrir davantage sur la conception des vaisseaux spatiaux de la saga, nous vous conseillons la lecture des passionnants making of, publiés aux éditions Akileos et Huginn & Muninn, ainsi que Naissance d’une galaxie de Lorne Peterson. Plusieurs numéros des magazines Cinefex, SFX, Star Wars Insider et Lucasfilm Magazine permirent de compléter ce dossier. Bookmark and Share


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