TARZAN en Blu-ray : Entretien exclusif avec le réalisateur David Yates – 3ème partie
Article Cinéma du Vendredi 11 Novembre 2016

TARZAN est de retour dans une adaptation aux images d’une beauté à couper le souffle, à redécouvrir en Blu-ray !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Quelle a été votre contribution au script, et plus particulièrement à la trajectoire personnelle de Tarzan et de Jane au cours de cette première aventure ?

Quand j’ai découvert la première version du script, je l’ai trouvée merveilleuse comme je vous le disais, mais nous avons cependant perfectionné encore le scénario pendant un an afin d’explorer toutes les directions dans lesquelles nous voulions aller avec les personnages. Vous savez, quelle que soit la qualité initiale d’un script, j’ai toujours besoin de le retravailler pour qu’il corresponde à ma vision de ce que le film devra être. C’est indispensable pour arriver à une bonne fluidité narrative, pour adapter les scènes et les dialogues aux acteurs qui ont été choisis, et pour se conformer à mes choix de mise en scène. Nous avons écrit de nombreuses autres versions du script avant d’arriver à ce moment où nous avons tous eu le sentiment qu’il était totalement abouti et enfin prêt à être transposé en images. J’ai beaucoup aimé l’aspect romantique du scénario et la manière dont il décrivait la profondeur des liens qui unissent Tarzan et Jane. Leurs actions sont un symbole de tout ce que les gens qui s’aiment font pour se protéger et pour prendre soin les uns des autres. Je tenais absolument que Jane ait une très forte personnalité, et soit une femme forte et très compétente. Bref, une femme résolument moderne. On pourra peut-être dire que cela ne correspond pas forcément à la manière dont les femmes pouvaient agir à cette époque-là en raison des usages de la société et des rôles dans lesquels on les cantonnait, mais la rigueur historique a beaucoup moins d’importance pour moi que le fait que le public actuel se sente immédiatement proche du personnage de Jane et en empathie avec elle. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons développé une relation de dépendance mutuelle entre Tarzan et Jane. Il n’est pas « le héros qui la sauve à chaque fois » pas plus qu’elle n’est « la demoiselle en détresse » car nous montrons clairement dans notre récit comment ils se sauvent l’un l’autre. Mais au-delà de cela, il est clair que Tarzan ne pourrait pas exister sans Jane, tant leur amour est fusionnel. A un moment de sa vie, Jane l’a sauvé d’une existence seulement sauvage au cours de laquelle il n’aurait pas pu déployer tout son potentiel d’être humain, s’il n’avait pas eu accès aux connaissances du monde civilisé. Même lorsqu’il accomplit des prouesses extraordinaires pour venir à son secours, on sent aussi que Tarzan a toujours besoin d’elle pour le sauver et le guider, car il ne pourrait pas affronter la vie sans elle. L’autre élément capital concernant la description de l’Afrique, et plus particulièrement du Congo, où se déroule l’action. Adam Cozad et moi étions déterminés à célébrer et à faire apprécier au public la grâce, la dignité et la culture des peuples du continent Africain. Nous voulions aussi mettre en valeur les thèmes de la famille et de la vie en communauté au plus près de la nature en les opposant à la vision individualiste et compétitive de la société moderne occidentale. Le personnage de Christoph Waltz, le capitaine Rom, s’est fixé l’objectif d’aider son roi, le souverain de Belgique Leopold 1er, à s’accaparer les ressources naturelles et les richesses du Congo. Leopold est un homme singulier, qui se sent isolé et terriblement solitaire. Rom et lui pensent tous les deux en termes de profits financiers, de matières premières et d’exploitation commerciale au lieu de voir quels enseignements ils pourraient tirer du mode de vie communautaire et solidaire des peuples de ce pays. Je pense que cela constitue un thème de réflexion passionnant et tout à fait actuel quand on voit à quel point les réseaux sociaux et les applications internet aux fins commerciales nous coupent de plus en plus des véritables interactions humaines.

Qu’avez-vous dit à Alexander Skarsgard, Margot Robbie and Christopher Waltz au sujet de leurs personnages respectifs, pour les aider à préparer leurs rôles ?

En ce qui concerne Alex, il s’agissait vraiment de partir de l’être civilisé qu’est Lord Greystoke, puis de creuser de plus en plus profondément dans son mental et ses souvenirs pour retrouver son animalité originelle, sa symbiose avec la nature et l’expression sans bride de son ressenti et de ses réactions instinctives. Bref, il fallait qu’il sorte peu à peu du conditionnement de la civilisation, de la politesse, des convenances, pour redécouvrir le côté primal de Tarzan. Au cinéma, Tarzan a souvent été dépeint comme un personnage primitif et naïf, tombant facilement dans les pièges des hommes « civilisés » mal intentionnés, et seulement à l’aise dans la jungle. Or, il est complètement différent dans les romans d’Edgar Rice Burroughs : il est extrêmement intelligent, perspicace, habile, et capable de se comporter aussi en homme civilisé s’il le souhaite. J’ai donc invité Alex à explorer en profondeur ces deux aspects diamétralement opposés de la personnalité de Tarzan : l’homme moderne, vif, et aux grandes capacités intellectuelles, et l’être sauvage et instinctif qu’il redevient lorsqu’il est contraint de lutter ou de tuer. Je lui ai dit qu’il fallait que l’on ressente cette sauvagerie indomptable qui fait partie de cet être complexe qu’est Tarzan. En ce qui concerne Jane, j’ai dit à Margot Robbie comment je concevais notre version du personnage. Heureusement pour nous, Margot a une personnalité très proche de celle de Jane : elle a un caractère bien trempé, une énergie folle, et un goût de l’effort physique et des acrobaties qui justifierait que l’on dise qu’elle est un garçon manqué ! Comme vous l’imaginez ce n’est pas un hasard si je l’ai choisie pour incarner cette version de Jane : quand on réfléchit à un casting comme celui-là, on essaie d’engager des acteurs dont la personnalité se rapproche déjà de celle du rôle que l’on voudrait leur proposer. Et comme Margot agit déjà comme Jane dans la vie, je l’ai encouragée à puiser dans son propre caractère pour construire son personnage. Dans le cas de Christoph Waltz, la conception du rôle du Captaine Rom a duré bien plus longtemps que prévu pendant la phase de l’écriture. Par conséquent, la description du personnage que nous lui avions faite oralement lorsque nous lui avions proposé de l’incarner n’avait absolument plus rien à voir avec le nouveau Capitaine Rom qu’il a joué pendant le tournage ! Christoph est un grand acteur qui sait faire passer des nuances très subtiles dans son interprétation. Nous avions envie qu’il dispose d’un matériel assez riche pour pouvoir camper un être humain complexe, intéressant et surprenant. Nous avons donc estompé les caractéristiques initiales un peu manichéennes de Rom, qui était essentiellement décrit comme un soldat très compétent et très efficace, et nous en l’avons transformé en un fonctionnaire bisexuel chargé de superviser les investissements du Roi Léopold 1er au Congo ! (rires) Du coup, son personnage s’est enrichi de nuances nouvelles, puisqu’à l’époque où se déroule l’action, au début de 20ème siècle, il est bien évidemment contrait de dissimuler cet aspect de sa vie privée, et mène de ce fait une existence plutôt triste et solitaire. Christoph s’est emparé de cela pour construire la manière dont Rom se défoule en menant ses activités commerciales et militaires. Et il a réussit à rendre ce personnage pittoresque et surprenant tout au long du film.

La suite de cet entretien bondira bientôt de liane en liane pour revenir sur ESI !

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